Et cela ne vous a pas paru complètement fou?
Je n'étais pas consciente de l'aberration de la situation. J'étais tellement soumise que j'avais l'impression que c'était normal. Et puis il avait l'air tellement gentil! Je ne me doutais pas que c'était une arnaque. Voilà comment, quelques jours après mes 18 ans, je me suis mariée avec un homme que je ne connaissais pas. Le jour de notre mariage, je suis restée chez une copine avec les femmes. Les hommes étaient chez lui.
Vous n'avez donc pas assisté à votre propre mariage?
Pas au mariage religieux ; trois mois plus tard, nous nous sommes mariés à la mairie selon sa volonté. Dans l'islam, la femme peut être représentée par son père. Et quand son père est un mécréant, elle peut être représentée par un "tuteur". Mon futur mari m'en avait choisi un, un Africain que je ne connaissais pas. Je ne saurais même pas le reconnaître si je le recroisais. Ils m'ont fait venir au studio de mon futur mari. Il m'a parlé dans la salle de bains pour que je lui donne mon accord, et ensuite ils m'ont fait partir. Je devais revenir le soir même une fois qu'il n'y aurait plus d'autres hommes que mon mari.
«Il m'a laissée continuer à travailler de manière à ce que je puisse lui donner de l'argent pour faire la da'wa, l'appel à l'islam.»
Comment cela s'est-il passé?
Je voulais la vie extrême. Je suis entrée en enfer. Dans un studio crasseux avec un homme qui faisait ses ablutions mais ne se lavait pas au savon, ne se brossait les dents qu'avec un siwak. Je devais m'excuser à chaque fois que je lui adressais la parole. Je ne pouvais même pas faire un clin d'œil ou tirer la langue, il me disait que c'était le shetan et que je brûlerai en enfer. Il me rabaissait tout le temps. Il m'arrivait d'aller au coin ou de dormir au pied du lit. Je n'avais pas le droit de sortir sans sa permission, y compris en cas d'urgence. Même pour acheter du pain avec mes sous, je devais avoir son autorisation! Lorsqu'il me donnait un ordre, je devais m'exécuter immédiatement sans réfléchir. En revanche, il m'a laissée continuer à travailler de manière à ce que je puisse lui donner de l'argent pour faire la da'wa, l'appel à l'islam. En tant que militant religieux du mouvement Tabligh en France, il lui arrivait de partir en mission pendant plusieurs jours pour propager le message d'Allah.
Et vous n'avez pas eu envie de partir?
Après une semaine de mariage, je voulais déjà divorcer. Mais j'avais peur des réactions, de me retrouver mise au ban. Sur Internet, je lisais que c'était haram, que c'était mal de se plaindre, qu'une femme ne devait pas critiquer son mari. Je ne me sentais même pas le droit d'en parler autour de moi. Puis je me suis rapidement retrouvée enceinte et j'ai été plusieurs fois hospitalisée pour mes vomissements ; dès que mon état de santé s'améliorait, je retournais dans ma prison. J'étais très renfermée, repliée sur moi-même. J'étais si faible que je ne pouvais plus bouger, ce qui ne l'empêchait pas d'abuser de moi. Tantôt il me traitait de comédienne, tantôt il me disait que j'irais au paradis puisque que c'était la volonté de Dieu.
«J'ai commencé à recevoir des SMS qui disaient que j'étais une mauvaise musulmane et que j'irais en enfer»
Vous n'avez pas trouvé de soutien dans la communauté?
Aucun. Et lorsque ma mère m'a recueillie après ma dernière hospitalisation, les femmes des amis de mon mari m'appelaient pour me convaincre de retourner auprès de lui. Elles me disaient que plus une femme est éprouvée, plus elle sera récompensée. Ensuite, j'ai commencé à recevoir des SMS qui disaient que j'étais une mauvaise musulmane et que j'irais en enfer. À un moment, mes parents ont fini par couper mon téléphone.
Les spécialistes comparent la radicalisation à l'emprise d'une secte. Est-il aussi compliqué de s'en extraire?
Pas plus tard que le mois dernier, d'anciennes copines portant le jilbeb sont venues frapper à ma porte : "Il paraît que tu as enlevé ton voile, que tu as brûlé des livres religieux et que tu couches avec des hommes?" Je leur ai répondu que je ne portais plus le voile mais que tout le reste, c'était n'importe quoi! Je me retrouve encore à rendre des comptes. Le plus incroyable, c'est qu'on m'appelle encore pour me présenter des hommes à marier!
«Aujourd’hui encore, je vomis lorsque je sens une odeur qui me rappelle mon calvaire»
Vous avez gardé des séquelles?
Lorsque je suis sortie de là, je ne supportais plus la foule, le bruit. Quand mon père m’a emmenée au supermarché, j’ai été prise d’étourdissements et de suées. Aujourd’hui encore, je vomis lorsque je sens une odeur qui me rappelle mon calvaire. À force d’avoir vécu dans une maison morte sans télévision, sans radio, sans roman, sans personne, j’ai perdu l’habitude de parler et d’écrire. J’avais l’impression parfois que j’allais devenir folle. Aujourd’hui, je sais que je suis capable de regarder un plafond pendant des jours et des jours.
Comment voyez-vous l’avenir?
J’aimerais partir dans une autre ville mais je suis coincée ici, financièrement. Je cherche un travail. Ce n’est pas simple car j’ai arrêté mon métier. Je suis seule dans mes démarches. D’ailleurs, il n’y a toujours pas de jurisprudence pour cette emprise sectaire islamique?! Je me bats aussi pour mon fils, qui n’a que quelques mois. Il m’a donné la force de me relever. Je savais quelle vie l’attendait?: pas de jouets, pas de cantine, pas de dessins… Une vie cloîtrée?! Ce n’était pas concevable. Mon fils m’a sauvée. Sans lui, je ne serais déjà plus là. Et aujourd’hui, après avoir été tellement trompée, qu’on ne me parle plus de religion?!
serieu les convertit je comprendrais jamais comment ils peuvent tomber sur des tarer pareil et comme ils arrivent a les embrigader dans leur delires guerre sainte