Egypte : les Ultras d’Al-Ahly, gardiens de l’après-révolution à Tahrir
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“On fait ça parce qu’on peut le faire, mais on n’est que des supporters, tempère Moz, visage rond et corps massif, on ne fait pas de politique”. “On ne revendique aucune appartenance mais on est égyptiens avant tout, s’enflamme Brasili, le visage émacié et la silhouette nerveuse, s’il faut défendre la révolution, on est là.”
Pas seulement pour la défendre ; depuis le début, ils sont là. Ils étaient là le jour où Moubarak a envoyé les chameaux contre les manifestants,- ils y ont même perdu l’un des leurs, Mahmoud. Là encore lorsqu’en novembre 2011, il fallait manifester contre l’armée – à nouveau, ils y ont perdu l’un des leurs, Ahmed.
“Ils nous ont montré comment résister à la police”
Moz a beau s’en défendre, l’action des Ultras a toujours eu un sens politique, depuis leur création, en 2007. Ce sont eux qui les premiers en Egypte se sont défendus contre la police de Moubarak, qui interdisait les banderoles dans les stades. Pour toute une génération, ils ont ainsi ouvert la voie de la résistance ; “ils nous ont montré qu’il était possible de répondre aux flics du dictateur”, analyse Mohamed Nagy. Mais ils ont fini par payer cher cet esprit d’insubordination. “En novembre 2011, pendant un match contre Mahalla, on a entonné des slogans contre l’armée”, se souvient Brasili. Trois mois plus tard, à Port Said, les hooligans d’Al Masry leur sont tombés dessus ; ils n’ont compris que trop tard ce qu’il se passait, lorsque les policiers ont refermé sur eux les portes du stade. Bilan : 74 morts chez les Ahlawy, lapidés, piétinés, asphyxiés. Depuis, leur colère s’étale à la peinture noire sur les murs de la ville : ACAB, pour “All cops are bastards”.
Sur les murs du club Al-Ahly, tous les tags parlent de politique. “ACAB”, pour “All cops are bastards”, leur principal slogan.
Contre les flics et les felouls
Car leur cible, ce n’est pas tel ou tel parti, c’est tout ce qui s’oppose à la révolution – et d’abord la police.
“Pour nous, l’Egypte ne se divise pas entre les religieux et les laïcs, poursuit Mohamed Nagy, l’activiste, mais entre ceux qui défendent la révolution et ceux qui l’attaquent. Certains Egyptiens détestent les Frères musulmans bien plus qu’ils n’aiment la révolution ; nous ne sommes pas de ceux là.”
Les Ultras non plus. “Morsi a été élu, je respecte ça”, poursuit Brasili. “Ce qui m’emmerde, c’est qu’il s’est donné les pleins pouvoirs, comme Moubarak. Mais quand il a limogé cet ****** de procureur général qui a fait relaxer les meurtriers de Tahrir, là j’étais totalement d’accord ! Faut pas compter sur nous pour défendre les felouls, ces partisans de l’ancien régime, comme le juge Ahmed al-Zend, qui tentent un retour en force.”
Loin des clichés du fan vociférant dans un stade et tapant les supporters de l’équipe adverse, leur discours est donc aussi politique que leur rôle. D’ailleurs, dans les rues du Caire, on ne les appelle plus seulement les Ultras; maintenant on les surnomme aussi les gardiens de la révolution.
http://www.lesinrocks.com/2012/12/1...-al-ahly-gardiens-revolution-tahrir-11330175/