Constantine a officiellement lancé hier soir sa grande année culturelle. 2015 sera donc celle du rayonnement de la culture arabe et de l’Algérie. Un rendez-vous que la ville des ponts, mais surtout le pays, ne doit pas rater. Pas seulement pour mériter une dimension internationale dans le monde arabe auquelle elle veut tant adhérer, mais pour impulser une réelle culture algérienne.
Il ne suffit pas de découper un ruban pour relancer la culture en Algérie. C’est sans doute ce que nous a appris l’ouverture officielle de Constantine, Capitale de la culture arabe. Tout le beau monde présent hier pour cette inauguration ne suffira pas à convaincre que Constantine a enfin sa consécration.
Nous pourrions vous raconter combien cette journée fut fastueuse, avec la visite de nombreuses infrastructures alliant modernité et tradition, construites pour cette occasion. Les milliards de dinars qu’elles ont demandés. Nous pourrions parler de cette cérémonie d’ouverture très solennelle, durant laquelle la langue et la culture arabe ont été mises en valeur. Ou encore de l’ambiance extraordinaire obtenue grâce aux milliers de Constantinois qui arpentaient les rues à cette occasion.
Nous pourrions également nous extasier sur l’attention internationale apportée au rocher. Un airbus A330-220 flambant neuf qui dépose sur le tarmac de l’aéroport Mohamed Boudiaf, une délégation de choix. Quasiment la moitié du gouvernement algérien, Premier ministre, ministre de la Culture, ministre des Affaires étrangères, du tourisme… Des hôtes de l’événement international comme de la pléthore d’ambassadeurs, ministres étrangers ou émissaires spéciaux envoyés par les 22 pays arabes participant à Qasantina 2015.
La moitié de la ville en chantier
Mais ce serait se limiter au côté élitiste de l’événement. Dans les coulisses, on remarque que Constantine est seulement à l’aune de devenir Capitale de la culture. La moitié de la ville est encore en chantier. Les grues creusent l’horizon constantinois. Les façades sont habillées d’échafaudages. L’air sent la peinture fraîche, et la poussière des rues ancestrales. Dans son message prononcé hier soir par son conseiller Mohamed Benamar Zerhouni, le président Abdelaziz Bouteflika estime que la « promotion de la culture constituait le meilleur et le plus efficace moyen d’éveiller le sentiment d’appartenance à une même nation ». Sauf que pour l’heure les Algériens ne sont pas réellement concernés par ce nouveau statut de ville monde culturelle. Eux ont eu le droit la veille à une belle parade lumineuse, dans une ambiance carnavalesque, avec comme seul loisir de se photographier devant la fameuse statue d’Ibn Badis avec femmes et enfants. Souvenir impérissable.
Consolider, ne pas bâcler
Constantine 2015 n’a donc pas commencé hier mais plutôt demain. Cette année n’est qu’un départ, et l’agitation autour du lancement officiel n’est gage de rien pour le moment. Espérons que son lendemain ne soit pas à l’image de l’organisation de l’inauguration. À vouloir trop bien faire, les autorités algériennes se prennent les pieds dans le tapis. L’envie est là en tout cas. Coup de peinture jusqu’à la dernière minute. On perce, on troue pour prouver que les Algériens peuvent avoir leur capitale arabe. « Ils ont commencé au dernier moment, donc ils ont dû accélérer le rythme, jusqu’à la veille de la parade, ils ont du faire des travaux », explique une commerçante constantinoise qui a vécu au rythme des marteaux-piqueurs cette dernière année.
Dispositif de sécurité digne d’un état de siège
Un dispositif sécuritaire digne d’un état de siège mais qui ne parvient pas à s’organiser. Au point où des embouteillages monstrueux paralysent la ville et que même des journalistes sont empêchés d’accéder sur les lieux culturels, qu’ils étaient censés couvrir. Quant à la soirée d’inauguration, les discours à rallonge en arabe classique et sans traduction pour les étrangers qui ne comprennent pas un mot d’arabe. Celui du Président qui a duré près de 40 minutes, n’aura pas été du goût de tous. La longueur et surtout l’incompréhension de la langue a fait fuir certains ambassadeurs et représentants officiels avant la fin du spectacle. Le lendemain encore on en parlait parmi les invités prestigieux, « le spectacle était beau, mais les discours surtout celui du Président étaient trop longs », soufflaient encore certains diplomates.
Beaucoup d’argent dépensé. C’est une certitude. À bon ou à mauvais escient ? Seul l’avenir nous dira si l’investissement en valait la peine. Si le somptueux hôtel Marriott amènera un tourisme haut de gamme. Si le Zénith de 3000 places accueillera régulièrement des spectacles. Enfin si les nouveaux lieux de culture seront le tremplin pour l’émergence d’une culture et d’un art populaire, poussant les Algériens de l’est à échanger et à devenir curieux.
Rendre à Constantine ce qui est à Constantine
Au-delà d’une inauguration ce sont les Constantinois qui doivent profiter de l’événement les années à venir. « Il ne faut pas oublier que nous vivons sur un rocher, nous sommes très fermés. Etre capitale arabe ça nous permettra de voir des étrangers, de nous ouvrir », estime une habitante. D’autres sont plus durs. « Un ami m’a dit qu’il aurait fallu changer la population avant de changer la ville », plaisante une Constantinoise, la cinquantaine, qui appelle ses concitoyens au civisme et à la valorisation de leur patrimoine, pour prolonger les effets de Qasantina.
Attente et manque de loisirs
En tout cas à Constantine, il y a une attente. Un peuple prêt à attendre pendant près de 5 heures sous le soleil tapant le passage furtif de son Premier ministre est forcément en demande de loisirs et d’attention. Comment leur donner envie ? Pas forcément avec de la grandeur ou du luxe, mais de manière simple et efficace. « Nous attendons de voir les résultats sur l’année. J’ai entendu la ministre à la radio expliquer que tous les cinémas seraient réhabilités c’est ce genre de nouveautés que nous attendons. Nous manquons de loisirs. C’est pour ça que les jeunes traînent dans la rue », estime de son côté un jeune homme originaire de la ville.
Le 16 avril 2015 est définitivement un simple top départ. Que dire de plus ?
Source : Les ratés et les attentes de Constantine, capitale de la culture arabe 2015 | TSA Algérie
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