Radicalisation religieuse: l’Education nationale dérape
21 novembre 2014 | Par
Lucie Delaporte
Mediapart s'est procuré un stupéfiant document envoyé par l'académie de Poitiers aux chefs d'établissement. Sous couvert de « prévenir la radicalisation » religieuse de jeunes, il manie clichés et préjugés en ciblant les musulmans. Le ministère admet un certain embarras.
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La radicalisation religieuse de jeunes Français est, compte tenu de l'actualité, devenue un sujet de préoccupation majeur des pouvoirs publics. Dans le cadre du « plan national de lutte contre la radicalisation » lancé en avril par Bernard Cazeneuve, l’Éducation nationale a décidé de s’atteler au problème avec l’objectif de détecter au plus tôt ces situations. Au vu du stupéfiant document que s’est procuré Mediapart, il n’est pourtant pas certain que le ministère se soit doté des outils adéquats.
Un Powerpoint de 14 pages, intitulé « Prévention de la radicalisation en milieu scolaire »
http://www.mediapart.fr/journal/france/211114/radicalisation-religieuse-l-education-nationale-derape
Radicalisation religieuse : le document qui embarrasse le rectorat de Poitiers
Mediapart a rendu public un document interne du rectorat destiné aux chefs d'établissement de la Vienne. Dans ce document visant à prévenir la radicalisation en milieu scolaire, les termes utilisés peuvent surprendre. Le recteur d'académie, que nous avons contacté, n'a pas souhaité réagir.
- Rédaction de F3 Poitou-Charentes
- Publié le 22/11/2014 | 12:31, mis à jour le 23/11/2014 | 16:25
© FTV
Mediapart a publié ce vendredi 21 novembre sur son site internet un document interne émanant des services du rectorat de Poitiers intitulé "prévention de la radicalisation en milieu scolaire". Dans ce document de 14 pages, envoyé aux chefs d'établissement du département de la Vienne, il s'agit de donner des clés afin de repérer les éventuelles situations dangereuses.
Dérapage ou maladresse ?
L'article est titré "
Radicalisation religieuse : l'Education nationale dérape". La journaliste Lucie Delaporte passe en revue les différents outils devant permettre d'aider les chefs d'établissement à repérer les élèves sur le point de "basculer".
Ainsi, une "barbe longue non taillée" ou un "cal sur le front" peuvent - selon ce document- être des "indicateurs d'une radicalisation" ; tout comme, faire "reférence à l'injustice en Palestine" ou montrer "un intérêt pour les débuts de l'Islam". De même, y figure une typologie pour le moins maladroite des éventuels candidats au "basculement".
D'anciens gendarmes ou policiers
Si ce document interne n'était pas destiné à être rendu public, il suscite néanmoins l'interrogation car les termes employés font plus penser à une description de police qu'à un document pédagogique. Selon Mediapart, les auteurs de ce document seraient d'ailleurs "pour moitié d'anciens gendarmes ou policiers", membres des équipes mobiles de sécurité et à ce titre, fonctionnaires de l'Education Nationale travaillant en étroite collaboration avec les préfectures.
Toujours selon nos confrères, le ministère de l'Education a reconnu que ce document "manque peut être de nuances".
Des questions sans réponse
Pourquoi un tel document a-t-il été établi ? Est-il le reflet d'une réalité en Poitou-Charentes ? Y a-t-il eu des cas de radicalisations dans l'académie ? Des élèves ont-ils déjà rejoint les rangs des combattants en Syrie ? Beaucoup de questions se posent ; elles restent ce samedi sans réponse.
Le recteur de l'académie de Poitiers, Jacques Moret, n'a pas souhaité réagir à cette affaire.
Le syndicat SE-UNSA 86 réagit
Par la voix de son secrétaire départemental, le SE-UNSA 86 a réagi.
Questionné sur la teneur de ce document, Jean-François Roland s'est montré surpris : "ce n'est pas vraiment le vocabulaire employé habituellement dans l'Education nationale. Si on reprend certains termes utilisés (NDLR : dans ce document), je pense que c'est une maladresse. "
Et d'ajouter : "C'est un document qui a sûrement été mal relu avant d'être publié à destination des chefs d'établissements de la Vienne".
Quant à savoir si ce document reflète une réalité dans le département, Jean-François Roland affirme n'avoir "pas connaissance de cas de jeunes qui seraient engagés dans le jihad (...) Mais si cela doit répondre à cette problématique-là,je n'ai rien contre".
Il tempère néanmoins ses propos : "C'est le rôle de l'Education nationale de le faire, en des termes sûrement un petit peu mieux choisis. Il ne s'agit pas non plus de mettre le feu dans les établissements".
http://france3-regions.francetvinfo....rs-597784.html
Radicalisation religieuse : Najat Vallaud-Belkacem réagit après la publication d'un document interne du rectorat
Deux jours après la
publication d'un document interne sur la prévention de la radicalisation religieuse dans l'académie de Poitiers, la ministre de l'Education nationale a réagi sur France 3. Najat Vallaud-Belkacem a évoqué un document incontestablement "perfectible"
- E. Gérard avec AFP
- Publié le 23/11/2014 | 16:19, mis à jour le 23/11/2014 | 16:27
Alors que
la polémique enfle après la publication d'un document interne envoyée par le rectorat de Poitiers aux chefs d'établissements de la Vienne afin de les aider à prévenir la radicalisation en milieu scolaire", la ministre de l'Education nationale a réagi.
Une démarche isolée
Interrogée sur France 3, Najat Vallaud-Belkacem a évoqué un document "sans doute perfectible, c'est incontestable" et "une démarche isolée (...) faite dans cette académie". "Peut-être que les mots ne sont pas parfaits, et nous allons en effet améliorer les choses", a-t-elle ajouté, tout en soulignant qu'"on ne peut pas s'en tenir à la description faite par le papier de Mediapart pour comprendre quel était l'intérêt de ce document".
Jusqu'à présent, le rectorat de Poitiers n'a pas souhaité commenter ce document qui a suscité de vives réactions.
N. Vallaud-Belkacem invité du 12/13
Maladresse ou racisme ?
Sur notre antenne hier, Jean-François Roland du SE-UNSA évoquait une maladresse : "ce n'est pas vraiment le vocabulaire employé habituellement dans l'Education nationale. Si on reprend certains termes utilisés (NDLR : dans ce document), je pense que c'est une maladresse. "
Chez nos confrères de France Bleu, Magali Espinassela secrétaire académique du syndicat SNES-FSU a elle dénoncé une "caricature grossière" et des "simplifications outrancières". "On signale des traits physiques qui pourraient permettre de reconnaître des personnes dangereuses, des attitudes, ou même des propos (...). C'est du racisme pur et dur", a déploré la responsable syndicale.
Fantasme ou réalité ?
L'académie de Poitiers doit-elle faire face à des cas de radicalisation religieuse dans ses établissements scolaires ? A ce jour, le rectorat reste silencieux sur la question.Toutefois, selon nos informations, plusieurs élèves auraient été signalés comme potentiellement "sur le point de basculer", notamment dans des collèges. Une situation qui aurait conduit à une diffusion rapide de ce document auprès des chefs d'établissements.