Bonjour 
Voici ce que Sénèque dit dans son livre "Les bienfaits" (livre où il parle de l'éthique du don, de la gratitude et de la restitution).
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Tel est à peu près le travers des hommes qui voudraient voir leurs amis dans la peine pour les en tirer, et chez qui le tort précède le bienfait, comme s'il n'était pas mieux de ne rien faire pour eux que de chercher par un crime à placer un bon office. Que dirait-on du pilote qui demanderait aux dieux le temps le plus contraire, l'ouragan, pour que le danger rehaussât le mérite de son art? Que dirait-on du général qui prierait les dieux d'envoyer force ennemis investir son camp, et, dans une attaque soudaine, combler les fossés, arracher les palissades à la vue de son armée en désordre, arborer jusque sur les portes leurs drapeaux menaçants, afin que lui pût rétablir plus glorieusement des affaires perdues et désespérées? Tous ceux-là tracent à leurs bienfaits une odieuse voie, qui invoquent les dieux contre l'homme dont ils se feront les sauveurs, et qui désirent l'abattre avant de le relever. Caractère inhumain, reconnaissance perverse que de vouloir du mal à ceux que l'honneur vous défend d'abandonner.
XXVI. « Mon vœu, dis-tu, ne lui nuit pas, puisqu'en même temps que le péril je lui souhaite les moyens de salut. » C'est dire : « Oui, j'ai bien quelque tort, mais un tort moindre que si j'invoquais le péril sans la délivrance. » Il est indigne de me plonger dans l'abîme pour m'en tirer, de me renverser pour me rétablir, de me mettre aux fers pour me délivrer. Ce n'est pas faire le bien que s'arrêter dans le mal ; et jamais il n'est méritoire d'arracher l'épine quand soi-même on l'a enfoncée. Ne me blesse pas, j'aime mieux cela que d'être guéri ; je puis te savoir gré de me guérir si l'on m'a blessé, mais non de me blesser pour avoir à me guérir. Jamais la cicatrice ne plaît que comparée avec la blessure ; et si l'on aime que celle-ci se ferme, on préférerait qu'elle n'eût pas été faite. La souhaiter à un homme dont on ne tiendrait nul bienfait serait un vœu inhumain; combien ne l'est-il pas plus à l'égard d'un bienfaiteur?
(Livre VI)
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Voici ce que Sénèque dit dans son livre "Les bienfaits" (livre où il parle de l'éthique du don, de la gratitude et de la restitution).
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Tel est à peu près le travers des hommes qui voudraient voir leurs amis dans la peine pour les en tirer, et chez qui le tort précède le bienfait, comme s'il n'était pas mieux de ne rien faire pour eux que de chercher par un crime à placer un bon office. Que dirait-on du pilote qui demanderait aux dieux le temps le plus contraire, l'ouragan, pour que le danger rehaussât le mérite de son art? Que dirait-on du général qui prierait les dieux d'envoyer force ennemis investir son camp, et, dans une attaque soudaine, combler les fossés, arracher les palissades à la vue de son armée en désordre, arborer jusque sur les portes leurs drapeaux menaçants, afin que lui pût rétablir plus glorieusement des affaires perdues et désespérées? Tous ceux-là tracent à leurs bienfaits une odieuse voie, qui invoquent les dieux contre l'homme dont ils se feront les sauveurs, et qui désirent l'abattre avant de le relever. Caractère inhumain, reconnaissance perverse que de vouloir du mal à ceux que l'honneur vous défend d'abandonner.
XXVI. « Mon vœu, dis-tu, ne lui nuit pas, puisqu'en même temps que le péril je lui souhaite les moyens de salut. » C'est dire : « Oui, j'ai bien quelque tort, mais un tort moindre que si j'invoquais le péril sans la délivrance. » Il est indigne de me plonger dans l'abîme pour m'en tirer, de me renverser pour me rétablir, de me mettre aux fers pour me délivrer. Ce n'est pas faire le bien que s'arrêter dans le mal ; et jamais il n'est méritoire d'arracher l'épine quand soi-même on l'a enfoncée. Ne me blesse pas, j'aime mieux cela que d'être guéri ; je puis te savoir gré de me guérir si l'on m'a blessé, mais non de me blesser pour avoir à me guérir. Jamais la cicatrice ne plaît que comparée avec la blessure ; et si l'on aime que celle-ci se ferme, on préférerait qu'elle n'eût pas été faite. La souhaiter à un homme dont on ne tiendrait nul bienfait serait un vœu inhumain; combien ne l'est-il pas plus à l'égard d'un bienfaiteur?
(Livre VI)
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