Ftima, Hawnaz, Ibrahim, Tahirou et les autres
Contribution externe
Publié le dimanche 08 septembre 2019 à 14h00 - Mis à jour le dimanche 08 septembre 2019 à 14h01
Une opinion de Jehanne Bergé, citoyenne et journaliste.
Malgré sa douceur, sa lumière, sa chaleur, l’été a été teinté par la couleur nauséabonde de l’inhumanité. Des cadavres, des bateaux à la dérive, l’espoir que l’on tente d’anéantir.
En tant que citoyenne, j’avais besoin d’écrire deux, trois mots.
Twitter, Facebook, la Une des journaux. Ces visages, ces enfants, ces femmes, ces hommes, sur des bateaux de fortune.
Et puis, viennent les annonces de morts.
Des dépêches que plus personne ne lit.
Des chiffres qui ne veulent plus rien dire.
Et ce mot, toujours ce mot : MIGRANT.
Des humains avant tout
Il y a eu ce titre "Un début de vacances raté pour Charlotte".
Et le traitement médiatique complètement abominable de l’affaire.
Est-ce qu’on s’est intéressés au corps du migrant retrouvé ?
Qui était cette personne avant d’être le cadavre en décomposition découvert par Charlotte ?
Qui sont ces personnes mortes en quête d’un autre destin ?
Que leur est-il arrivé ?
D’où viennent-ils ?
Quels sont leurs noms ?
-être Ftima, Hawnaz, Ibrahim ou Tahirou?
Ftima avait 26 ans, elle venait de Tunisie.
Elle a perdu la vie en pleine mer à bord d’une embarcation de fortune sur son chemin vers l’Italie.
Hawnaz et Arazu étaient sœurs, elles venaient du Kurdistan.
Elles sont mortes noyées au large des côtes de Bodrum.
Ibrahim avait 3 ans, il a été retrouvé le long des côtes turques.
Tahirou, 22 ans, venait de Guinée, son bateau a sombré près des eaux espagnoles.
Leurs noms viennent s’ajouter aux 36 570 autres personnes mortes en essayant de rejoindre les portes de l’Europe depuis 1993.
La liste macabre compilée par l’ONG néerlandaise United for intercultural action reprend “Le nom, le pays d’origine, la fin du voyage” de chaque exilé.e qui a perdu la vie en tentant la traversée de la Méditerranée.
La plupart des noms manquent à la liste, à la place N.N "Nomen nescio" (je ne connais pas le nom).
Dans la colonne "cause de la mort", une froide description dans une case d’un tableau Excel comme seule trace de mémoire. "Corps du bébé découvert dans un état de décomposition avancé sur la plage."
Selon l’ Organisation internationale pour les migrations, depuis le début de l’année 2019, plus de 850 personnes ont perdu la vie dans la Méditerranée.
Des citoyens perpétuent le souvenir des victimes en scandant leurs noms devant les institutions.
En espérant que les vies arrachées parviennent aux oreilles des décideurs qui se renvoient la balle à l’international. Jusque quand ?
Il faut aller jusqu’où pour que s’opère le basculement ?
Encore combien de morts ?
Combien ?
Pour les cadavres aussi, il y a des quotas ?
Des visages, des histoires