Parler de sexualité dans le couple est tabou au Maroc.
Première enquête épidémiologique sur le comportement sexuel féminin, réalisée dans un pays arabo-musulmo-africain.
Qu’est-ce qui se dégage de cette étude?
Il ressort de cette étude que parler de la sexualité demeure un tabou. Les connaissances sur la réalité des pratiques sexuelles sont très limitées. Les femmes ont tendance sous l’influence du poids socioculturel inhibiteur à garder sous silence tout ce qui tourne autour de leur sexualité. Ainsi, l’expression des plaintes sexuelles n’est jamais explicite et la demande reste latente. Les chiffres montrent que 40% des femmes rapportent avoir simulé l’orgasme au moins une fois dans leur vie. Parmi elles, 42% le font pour ne pas blesser leur mari. 12% pour qu’on ne les prenne pas pour des femmes frigides. Étudiant le sens des chiffres, il a été établi en se basant sur des méthodes scientifiques, que la simulation de la majorité de ces femmes n’est pas pathologique.
ALM :
Pourquoi une étude épidémiologique sur le comportement sexuel de la femme marocaine?
Khadija Mchichi Alami : Le comportement sexuel est une combinaison de mécanismes socioculturels, nerveux et hormonaux, expliquant la complexité de ce comportement. La recherche sur la sexualité féminine est un sujet d’extrême importance. En effet, beaucoup de travaux de recherche scientifique dans des pays occidentaux ont montré que ces troubles peuvent être responsables de problèmes familiaux, de divorce, de viol, de prostitution, de retentissements sur la reproduction, d’infections sexuellement transmissibles… Or, ils sont tus dans la majorité des cas, interférant d’une manière négative sur la vie des gens et altèrent leur qualité de vie s’ils ne contribuent pas à les précipiter dans des troubles mentaux (troubles dépressifs, troubles anxieux, troubles sexuels…).
Comment expliquez-vous le fait que 40% de ces femmes simulent un orgasme ?
Quand arrive le soir, certaines de ces femmes sont épuisées par les tâches quotidiennes et la simulation est une défense qui leur permet d’activer l’acte. D’autres ne sont pas capables de jouir ou d’obtenir du plaisir, elles sont gênées d’en parler et de ce fait simulent…Cela pour plusieurs raisons d’ordre psychologique ou d’ordre relationnel quand il existe certains problèmes au niveau du couple… 46% des femmes qui ont simulé déclarent l’avoir fait «pour avoir la paix». Encore là, ces chiffres il faut les traduire : 58% des femmes ayant donné cette réponse sont des femmes mariées, 78% d’entre elles sont sans profession, 69% ont de 1 à 4 enfants et enfin 32% d’entre elles ont plus de quatre enfants !
Que peut-on faire pour discuter plus librement de sexualité entre époux ?
De nombreuses personnes appréhendent le fait de parler de la sexualité. Cela s’applique surtout aux époux et depuis longtemps, sauf s’ils en discutaient depuis le début. D’ailleurs, plus on attend avant d’en parler, plus cela sera difficile. Voici ce qui serait propice à faire pour pouvoir lancer le débat sur un tel sujet : il faut choisir le moment opportun pour commencer à en parler.
Montrer avec certitude l’amour de chacun envers l’autre et manifester ses sentiments
en les recherchant dans la relation sexuelle. Il faut affronter le problème avec courage et franchise.
Nb : Khadija Mchichi Alami est psychiatre et sexologue à Casablanca.
https://aujourdhui.ma/societe/khadija-mchichi-alami-legoisme-est-lennemi-de-lamour-95206
Khadija Mchichi Alami : «L’égoïsme est l’ennemi de l’amour» – Aujourd'hui le Maroc