c'est bien de garder espoir, il en faut dans la vie
juste pour infos, les chiffres, ca fait toujours moins de 10%
Des chiffres sujets à caution
En 1989, l'historien Bruno Etienne, se fondant sur les données du recensement de 1982, évaluait la présence musulmane dans l'Hexagone «autour de 2,5 millions d'individus». En 1993, le rapport publié par le Haut Conseil à l'intégration avance le chiffre de 3 millions. Un an plus tard, un article du Monde évalue les musulmans à «6,5% de la population française, soit 3,7 millions». En 1996, un dossier publié par le Secrétariat des relations avec l'islam donne une estimation de 4,2 millions. La même année, Charles Pasqua, ministre de l'Intérieur, s'exprimant à propos des attentats terroristes, évoque «5 millions de musulmans [en France], dont 1 million de pratiquants, 50 000 intégristes et probablement 2 000 radicaux». Voilà quelques jours, enfin, Nicolas Sarkozy, avançant ses arguments pour s'opposer à une loi contre le voile islamique - il a depuis changé d'avis - déclarait: «Il y a 5 à 6 millions de musulmans en France, dont 2 millions sont susceptibles de voter.» Sans parler du Front national, qui pousse les enchères jusqu'à 8 millions... De quoi attiser l'islamophobie.
Ces chiffres, souvent assénés comme des certitudes mathématiques, servent aussi bien à étayer les discours fustigeant l'«invasion» des étrangers que ceux des responsables musulmans soucieux de faire valoir le poids de leurs coreligionnaires dans la population française. Mais d'où sortent-ils? D'un chapeau, semble-t-il, c'est-à-dire d'estimations «au doigt mouillé». En France, depuis 1872, il est interdit de distinguer les personnes sur la base de leur appartenance confessionnelle lors des recensements. Encore plus d'identifier leur origine ethnique. Résultat, les statistiques officielles sur le sujet sont quasi inexistantes. Pour évaluer le nombre de musulmans, les démographes et les sociologues en sont réduits à compter la population «relevant de la culture musulmane», c'est-à-dire les immigrés et les Français issus de pays où l'islam est la religion dominante - Maghreb, Afrique noire, Turquie, Pakistan, Proche et Moyen-Orient... Auxquels il faut ajouter les convertis, les harkis rapatriés d'Algérie et une partie des clandestins. Faute d'informations précises sur les Français d'origine étrangère, certains sont parvenus, en recoupant des données disparates, à cette estimation approximative de «5 à 6 millions», que personne n'avait pu jusque-là vérifier à grande échelle.
Il a fallu attendre 1992 pour que l'Ined et l'Insee prennent en compte pour la première fois les immigrés et leurs enfants nés en France, dans une enquête, réalisée par Michèle Tribalat, dont la publication a déclenché un tollé - certains chercheurs, comme Hervé Le Bras, l'accusant de favoriser le racisme et d'établir des catégories ethniques en distinguant les Français «de souche» des autres Français. La polémique s'est finalement éteinte et, face aux demandes répétées de démographes, l'Insee a introduit dans l'enquête «Famille», réalisée conjointement au recensement de 1999 sur un échantillon anonyme de 380 481 personnes, une information sur le pays d'origine des parents. On a pu ainsi disposer, pour la première fois, de données précises sur trois générations.