Une carrière brisée par les algorithmes
Shawn K. n’en est pas à son premier licenciement — il avait déjà été affecté par la crise de 2008 et la pandémie de Covid-19 — mais cette fois-ci, le choc est plus brutal. Dans les rares cas où il obtient un entretien, il échange avec... des agents conversationnels automatisés.Contraint de vendre ses effets personnels et de cumuler les petits boulots, il dit ne gagner que quelques centaines de dollars par mois, loin de son ancien niveau de vie. Il vit aujourd’hui dans une mini-caravane stationnée au centre-ville, une image qui illustre crûment le déclassement de nombreux travailleurs du numérique.
Il ne dénonce pas l’IA, mais l’usage qu’en font les entreprises
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, Shawn ne rejette pas l’intelligence artificielle. Au contraire, il se décrit comme un « maximaliste de l’IA ». Pour lui, le problème n’est pas que la technologie évolue, mais que les entreprises s’en servent comme excuse pour supprimer des postes sans reconfigurer leur organisation.Il y voit le début d’un « tsunami social et économique ». Selon lui, la grande vague de remplacement est déjà en marche, et les décideurs refusent de la voir.
Une tendance mondiale qui n’épargne pas la France
La situation décrite par Shawn K. résonne aussi dans l’Hexagone. En France, le secteur technologique est sous tension : certaines entreprises licencient, d’autres peinent à recruter des profils hybrides maîtrisant à la fois le développement et l’intégration de l’IA.En 2024, plus de 150 000 salariés du secteur tech ont été licenciés aux États-Unis. En 2025, on compte déjà plus de 50 000 suppressions de postes, selon Layoffs.fyi. Et si l’Europe a jusqu’ici été relativement épargnée, les modèles d’automatisation se généralisent, y compris dans les startups françaises.
Un avenir où l’IA écrira (presque) tout le code ?
Des prévisions inquiétantes viennent renforcer l’inquiétude. Dario Amodei, PDG d’Anthropic, a déclaré que d’ici septembre 2025, l’IA pourrait générer 90 % du code informatique. Mark Zuckerberg et d’autres figures du secteur partagent cette vision d’un avenir proche où les développeurs humains seraient minoritaires.L’histoire de Shawn K. est un avertissement. Elle montre que la transition numérique, si elle est mal encadrée, peut engendrer exclusion, précarité et sentiment d’invisibilité. L’intelligence artificielle n’est pas l’ennemi, mais son intégration brutale dans l’économie sans vision humaine pourrait bien laisser, derrière elle, des milliers de talents sur le bord de la route.