je remets l'article du Monde
Avec le retour d’Internet, les Iraniens découvrent l’ampleur de la répression
Les autorités ont organisé des manifestations pro-régime, lundi, alors qu’émergeaient les noms des victimes. La répression de la contestation a fait au moins 143 morts.
Par
Ghazal Golshiri Publié aujourd’hui à 06h42,
Des piétons passent devant une banque incendiée lors des manifestations à Téhéran, le 20 novembre. VAHID SALEMI / AP
Après la répression sanglante, voici venu le temps de la démonstration de force dans la rue. Pour répondre à l’importante vague de contestation dans le pays, les autorités iraniennes ont invité leurs partisans à investir à leur tour les rues, lundi 25 novembre, pour dénoncer
« le saccage des biens publics et privés » et
« l’ingérence de l’étranger » par les opposants au régime.
La répression des heurts qui ont suivi l’annonce de la hausse des prix de l’essence, le 15 novembre, aurait causé la mort d’au moins 143 personnes. Le nombre de personnes interpellées pourrait atteindre 4 000, voire 7 000, à en croire un député iranien.
« Le message de la manifestation d’aujourd’hui est que nous réglons nous-mêmes nos problèmes et que nous n’avons guère besoin des étrangers. Je remercie le peuple d’avoir séparé sa voix de celle des contestataires », a martelé Mohsen Rezaï, le chef adjoint du Conseil de discernement des intérêts de la République (qui légifère par décret sur les questions urgentes) alors que les manifestants pro-régime scandaient :
« A bas les auteurs de sédition. »
Quelques heures plus tôt, le porte-parole du ministère des affaires étrangères, Abbas Moussavi, était allé encore plus loin en qualifiant les manifestants de ce lundi de
« vraies gens », invitant les pays étrangers à les regarder de près.
Stupéfaction et horreur
Les
« vraies gens » face aux autres, c’est-à-dire les contestataires, ceux qui ont été dans la rue et ceux qui sont aujourd’hui en colère contre la violente répression entreprise par Téhéran. Depuis la levée du blocage d’Internet, le 23 novembre, des Iraniens arrivent à envoyer images des manifestations, tandis que les autres découvrent, avec stupéfaction et horreur, l’ampleur de la violence. Petit à petit, le nom et les portraits des victimes surgissent, surtout de jeunes hommes, simples passants ou manifestants.
Dans une vidéo, prise sur une place de la ville de Gorgan dans le nord-est, on voit ainsi un civil s’attaquant avec un sabre à des policiers, tandis qu’un autre manifestant agite dans l’air une hache. Une autre vidéo, prise d’un autre point de vue, montre ce dernier, sans sa hache, qui, touché de très près par une balle, tombe par terre. Les forces de l’ordre traînent ensuite le jeune homme par les pieds et l’évacuent de la place.
« Ils peuvent nous faire ce qu’ils veulent »
« Depuis que la connexion est rétablie, je suis en train de devenir folle en voyant les vidéos, alors que pendant la semaine où Internet était coupé, j’avais le sentiment de faire le deuil d’un proche, explique Sara (son nom a été modifié), médecin dans le nord de l’Iran
. La gorge serrée, je sens un mélange de solitude et de frustration en pensant que ces gens peuvent nous faire ce qu’ils veulent et que nous, nous ne pouvons rien faire. »