Mais poursuivons. De quoi les habitants des trois villages ont-ils peur ? Du Hezbollah, bien sûr. Le souvenir de la guerre de 2006, au cours de laquelle nombre d’entre eux avaient dû fuir et/ou se réfugier dans des abris, est omniprésent. Et on le comprend. Mais l’article nous apprend que, « paradoxalement », ce n’est pas la peur des roquettes du Hezbollah qui domine : « À Bar-Am, un kibboutz situé à 500 mètres du territoire libanais, les infiltrations de combattants du Hezbollah et les tentatives d’enlèvements restent la principale source d’inquiétude » ; « [Dorit] craint par-dessus tout une infiltration terroriste : “S’ils rentrent chez toi, tu ne peux pas te sauver, tu ne peux rien faire, au moins avec les roquettes tu peux partir ou te réfugier dans un abri”. » L’inquiétude est palpable et, une fois encore, compréhensible. Mais les règles élémentaires du travail de journalisme n’auraient-elles pas dû conduire Delphine Matthieussent à faire la part entre ce que ressentent ses interlocuteurs et les faits ?
Quels faits ? Depuis sa naissance, en 1982, le Hezbollah a capturé huit soldats israéliens au cours de quatre opérations. Deux d’entre elles ont eu lieu au Liban (alors sous occupation israélienne), la troisième dans la zone dite des « fermes de Chebaa » (considérée au regard du droit international comme territoire occupé par Israël), et la quatrième, en juillet 2006, à la frontière israélo-libanaise, côté israélien d’après Israël et une commission de l’ONU, côté libanais d’après le Liban. Si l’on se range à la version israélienne et onusienne de l’opération de 2006, le Hezbollah a donc, depuis 1982, franchi une fois la frontière pour y capturer deux soldats.Corollaire : en vingt-huit années d’existence, le Hezbollah n’a jamais mené une opération de type « infiltration et enlèvement de civils israéliens ».