Violence inouïe
Ce jour-là, cependant, c’est la première fois qu’elle le rencontre. « Au bout de dix minutes, il m’a dit : “Nous ne pouvons pas rester là, tout le monde nous regarde. Je suis une personne connue et le Maghrébin à l’accueil m’a reconnu et n’arrête pas de nous regarder”. » M. Ramadan lui propose donc, assure-t-elle, de rejoindre sa chambre où ils pourront poursuivre leur conversation autour d’un thé.
C’est là qu’au bout de quelques minutes aurait eu lieu l’agression. Portant une attelle à la jambe droite, la jeune femme marche alors avec des béquilles. « Il a donné un coup de pied dans mes béquilles et s’est jeté sur moi en disant : “Toi, tu m’as fait attendre, tu vas prendre cher !” » Suivent alors, selon ses déclarations, des gifles au visage, aux bras, aux seins et des coups de poings dans le ventre. ********* et ******* imposées de force, nouveaux coups, nouveau viol, ce que rapporte cette femme est d’une violence inouïe.
« J’ai hurlé de douleur en criant stop ! », dit-elle. Puis, selon son témoignage, M. Ramadan la viole à nouveau, avec un objet cette fois. « Plus je hurlais et plus il tapait », raconte-t-elle. « Il m’a traînée par les cheveux dans toute la chambre pour m’amener dans la baignoire de la salle de bain pour m’uriner dessus », rapporte-t-elle, expliquant qu’elle n’a réussi à s’enfuir qu’au petit matin. La plaignante fournit par ailleurs, à l’appui de son témoignage, des certificats médicaux établis à l’époque des faits.
« Des mois de harcèlement et de menaces »
Par la suite, assure-t-elle encore, M. Ramadan lui aurait envoyé plusieurs SMS afin de la revoir « comme si nous avions passé une super nuit d’amour romantique et tendre ». Elle refuse. « J’ai subi ensuite des mois de harcèlement et de menaces et des hommes me suivaient dans la rue ; un m’a même menacée de mort. J’ai dû rester chez une amie pendant presqu’un mois à partir du 18 novembre 2009. » Son avocat, Eric Morain, essaie désormais de convaincre cinq autres femmes de témoigner, voire de déposer plainte à leur tour pour des faits de viols ou d’agression sexuelle.
Le 24 octobre, M. Ramadan avait déposé une plainte en dénonciation calomnieuse auprès du parquet de Paris après que Henda Ayari l’eut accusé de viol. Interrogé par Le Monde, vendredi, sur cette nouvelle accusation, son avocat, Yassine Bouzrou, déclare « ne pas être au courant ». M. Ramadan n’a pas répondu à nos sollicitations.
Le témoignage de Henda Ayari présente quelques similitudes. Entendue par la police judiciaire de Rouen, l’écrivain a raconté son rendez-vous avec l’islamologue suisse dans un hôtel parisien, au printemps 2012, au moment du congrès de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF) où il a prévu d’intervenir. Elle avait auparavant pris contact avec M. Ramadan sur Facebook, afin de lui demander des conseils d’ordre religieux. Ce jour-là, elle le retrouve donc à l’hôtel. Sous prétexte que le hall est bondé et bruyant, il lui propose de monter dans sa suite. Une fois dans la chambre, il aurait « sauté » sur elle, l’aurait giflée et violée, avant de lui proposer de l’argent pour prendre un taxi.
Henda Ayari avait déjà raconté cette scène en novembre 2016 dans J’ai choisi d’être libre (Flammarion), un ouvrage où elle racontait notamment son embrigadement puis sa rupture avec le salafisme. Elle consacrait aussi plusieurs pages aux agissements de son agresseur présumé, mais sans donner son vrai nom ; dans le livre, le violeur s’appelait « Zoubeyr ».