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20 JUIN 2017
PAR MICHAËL HAJDENBERG
Sabrina est née il y a 33 ans à Saint-Denis dans un milieu très populaire. Elle était le modèle à suivre dans son quartier. Après 15 années de médecine, elle se retrouve pourtant au RSA, en butte, dit-elle, à un milieu misogyne, élitiste et où règne un réel népotisme.
Sabrina habite de nouveau chez ses parents, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Elle vit du RSA. Après 15 années d’études supérieures, cette neurochirurgienne de 33 ans, issue d’un milieu populaire, aurait pu être l’incarnation du mérite républicain, « un modèle » pour son quartier. Mais cette femme d’origine maghrébine a atterri dans un milieu machiste, élitiste, hostile, où elle ne parvient pas à se faire une place bien qu’elle ait validé tous les concours et examens nécessaires. « Mes parents ont tout sacrifié pour moi. Et après tous ces efforts, tout ce cursus, je suis devenue un cas social. J’ai la rage. Dans le 93, j’ai envie de dire aux jeunes : Allez-y ! Brûlez des voitures ! Vous avez raison. Ça ne sert à rien de faire de grandes écoles. Cette société est pourrie. »
Sabrina, qui ne souhaite pas que son nom apparaisse pour que ses futurs patients n’en sachent pas trop sur elle, a longtemps caché à ses parents tous les obstacles qu’elle devait surmonter. Ils sont tombés d’autant plus haut que le parcours de leur fille, aînée de 5 enfants, semblait idéal. « Mon père était magasinier dans une usine, il se levait à 4 h 30 le matin, ma mère travaillait un peu dans un restaurant. Et comme beaucoup d’immigrés, mes parents ne connaissaient pas vraiment de métiers valorisants, à part avocat et médecin. » Cela tombe bien : petite, Sabrina est marquée par une rencontre avec sa pédiatre. Après le bac, les études de médecine sont une porte de sortie. « Je voulais étudier ailleurs qu’en banlieue. » Elle intègre Paris 7, Bichat. Et dès la deuxième année, elle est « fascinée par le cerveau. Mais la neuro est perçue comme la spécialité des dieux. Les postes sont très chers ».
Elle en fait cependant son objectif, même si, dès le début, elle se sent en décalage. « Quand je suis arrivée en première année de médecine, les étudiants baignaient dans le milieu, il y avait énormément de fils de médecins. Ils avaient déjà commencé à bosser l’été précédent en achetant des polycopiés, pendant que moi je travaillais au McDo pour me payer mes études. »
L'université Paris-Bichat, où Sabrina a comencé ses études © DR
Sabrina tente alors de cacher le décalage qu’elle ressent. « J’ai toujours masqué mes origines, quitte à mentir. J’ai un faciès interprétable de façons multiples. Comme mon nom. Mais je ne me mélangeais pas trop. A posteriori, je me dis que je n’ai jamais vraiment fait l’effort d’aller vers les autres. Mais je n’étais pas attirée par le côté festif, les soirées alcoolisées. J’étais entre deux mondes puisque, le soir, je rentrais dans ma cité, mon ghetto. »
Les premières années se déroulent sans problème. La compétition commence vraiment en 5e année. Sabrina obtient un bon classement, qui lui donne accès à la chirurgie. Mais c’est trop juste pour Paris. Elle choisit Toulouse. « C’est là que j’ai signé mon arrêt de mort. »
Suite à venir au prochain message
20 JUIN 2017
PAR MICHAËL HAJDENBERG
Sabrina est née il y a 33 ans à Saint-Denis dans un milieu très populaire. Elle était le modèle à suivre dans son quartier. Après 15 années de médecine, elle se retrouve pourtant au RSA, en butte, dit-elle, à un milieu misogyne, élitiste et où règne un réel népotisme.
Sabrina habite de nouveau chez ses parents, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Elle vit du RSA. Après 15 années d’études supérieures, cette neurochirurgienne de 33 ans, issue d’un milieu populaire, aurait pu être l’incarnation du mérite républicain, « un modèle » pour son quartier. Mais cette femme d’origine maghrébine a atterri dans un milieu machiste, élitiste, hostile, où elle ne parvient pas à se faire une place bien qu’elle ait validé tous les concours et examens nécessaires. « Mes parents ont tout sacrifié pour moi. Et après tous ces efforts, tout ce cursus, je suis devenue un cas social. J’ai la rage. Dans le 93, j’ai envie de dire aux jeunes : Allez-y ! Brûlez des voitures ! Vous avez raison. Ça ne sert à rien de faire de grandes écoles. Cette société est pourrie. »
Sabrina, qui ne souhaite pas que son nom apparaisse pour que ses futurs patients n’en sachent pas trop sur elle, a longtemps caché à ses parents tous les obstacles qu’elle devait surmonter. Ils sont tombés d’autant plus haut que le parcours de leur fille, aînée de 5 enfants, semblait idéal. « Mon père était magasinier dans une usine, il se levait à 4 h 30 le matin, ma mère travaillait un peu dans un restaurant. Et comme beaucoup d’immigrés, mes parents ne connaissaient pas vraiment de métiers valorisants, à part avocat et médecin. » Cela tombe bien : petite, Sabrina est marquée par une rencontre avec sa pédiatre. Après le bac, les études de médecine sont une porte de sortie. « Je voulais étudier ailleurs qu’en banlieue. » Elle intègre Paris 7, Bichat. Et dès la deuxième année, elle est « fascinée par le cerveau. Mais la neuro est perçue comme la spécialité des dieux. Les postes sont très chers ».
Elle en fait cependant son objectif, même si, dès le début, elle se sent en décalage. « Quand je suis arrivée en première année de médecine, les étudiants baignaient dans le milieu, il y avait énormément de fils de médecins. Ils avaient déjà commencé à bosser l’été précédent en achetant des polycopiés, pendant que moi je travaillais au McDo pour me payer mes études. »
L'université Paris-Bichat, où Sabrina a comencé ses études © DR
Sabrina tente alors de cacher le décalage qu’elle ressent. « J’ai toujours masqué mes origines, quitte à mentir. J’ai un faciès interprétable de façons multiples. Comme mon nom. Mais je ne me mélangeais pas trop. A posteriori, je me dis que je n’ai jamais vraiment fait l’effort d’aller vers les autres. Mais je n’étais pas attirée par le côté festif, les soirées alcoolisées. J’étais entre deux mondes puisque, le soir, je rentrais dans ma cité, mon ghetto. »
Les premières années se déroulent sans problème. La compétition commence vraiment en 5e année. Sabrina obtient un bon classement, qui lui donne accès à la chirurgie. Mais c’est trop juste pour Paris. Elle choisit Toulouse. « C’est là que j’ai signé mon arrêt de mort. »
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