Syrie: Comment Moscou a repris la main
Créé le 10/09/2013 à 17h38 -
Avec sa proposition de placer sous contrôle international l'arsenal chimique syrien, la Russie redonne du lustre à la solution diplomatique...
Lundi soir, Moscou a créé l’événement en proposant de placer sous contrôle international l’arsenal chimique syrien. Cette offre, que Damas affirme accepter, a été bien accueillie par Washington et par Paris, qui se disent d’accord pour l’examiner à l’Organisation des nations unies (ONU). Les deux capitales sont pourtant les plus fervents défenseurs de frappes punitives contre le régime du président Bachar Al-Assad, accusé d’avoir utilisé l’arme chimique lors de l’attaque du 21 août dernier.
«Chaque jour qui passe rend les frappes plus complexes»
Si l’offre moscovite fait consensus, représente-t-elle une avancée ou un recul pour la Russie? Laurent Fabius, le ministre français des Affaires étrangères, penche pour le recul: il estime que la Russie s’est offert avec sa proposition une «porte de sortie» et que la «fermeté» des Occidentaux a «payé». Ce dont doute Julien Nocetti, chercheur au centre Russie de l’Institut français des relations internationales (IFRI).
«Avec son offre, Moscou signe le retour de la diplomatie, qui reprend ses droits sur l’aspect militaire. La Russie se replace ainsi au centre du jeu, en prenant à contre-pied les Etats-Unis et la France», avance l’expert. D’après lui, «chaque jour qui passe rend les frappes plus complexes». Ce qui arrange par ailleurs les affaires économiques de la Russie, deuxième producteur de pétrole au monde. Comme le souligne Julien Nocetti: «Plus la crise dure, plus le prix du pétrole augmente, plus la Russie rentre de devises…».
«Poutine sera celui qui a osé dire non aux Etats-Unis»
«En maître des échecs, Vladimir Poutine a su reprendre la main au bon moment, en faisant sa proposition juste après le G20 et juste avant le vote au congrès américain… Son objectif est clairement de neutraliser le vote de ce congrès», analyse l’expert.Si le congrès américain finit par voter non, il sera difficile pour les Etats-Unis d’agir. Et s’il n’y a pas de frappes, «Poutine sera celui qui a osé dire non aux Etats-Unis, sa victoire diplomatique sera incontestable à travers le monde».
Céline Boff
La France fait aussi sa proposition diplomatique
Moins de 24 heures après la proposition russe, la France a annoncé qu’elle proposerait mardi au Conseil de sécurité de l'ONU un projet de résolution prévoyant le «contrôle et le démantèlement» des armes chimiques syriennes. Ce projet autorise le recours à la force en cas de manquement aux obligations.
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Et si la guerre en Syrie faisait exploser l’économie US ?
Les récentes révélations de l’affaire Snowden ont montré le rôle intrusif de la NSA dans les domaines de la surveillance et de la protection des communications. Au nom de la sécurité nationale, le respect de la vie privée du citoyen américain n’a aucune importance pour ses dirigeants. L’espionnage sans vergogne par les États-Unis des représentations diplomatiques des pays européens comme de la Commission européenne ont rappelé que seuls les intérêts guident le monde. Cela n’empêche nullement les dirigeants de Washington d’avoir deux fers au feu en travaillant en liaison avec les services secrets occidentaux, en particulier le BND allemand.
Comme le révèle le Spiegel, la CIA et le BND ont uni leurs efforts dans la création d’une banque de données appelée « Projekt 6 » (ou « P6 ») où est enregistrée toute une liste de présumés islamistes et partisans du terrorisme (1). Cette coopération a pris fin, officiellement, en 2010 selon le Spiegel… Restons prudents.
Les ambitions de la NSA ne s’arrêtent pas là. En effet, nous avons déjà évoqué la volonté des hautes sphères politiques et économiques de créer une Union nord-américaine, projet entièrement présenté sur le site du Council on Foreign Relations (CFR). Initialement prévu pour 2010, ce programme d’envergure a pris du retard. Cependant, il poursuit son chemin avec l’officialisation du plan d’unification de tout le continent nord-américain grâce aux propos de la sénatrice Dianne Feinstein, fin juillet 2013, sous l’égide de la NSA. Lors d’une audition devant les représentants du Sénat américain, la sénatrice a expliqué et présenté un tableau affichant les tentatives d’attentats mises en échec par la NSA. Alors que les différents continents sont représentés par une couleur avec l’exacte désignation géographique (Europe, Afrique…), les mesures sécuritaires promues par la NSA s’appliquent, non aux États-Unis, mais à l’ensemble de l’Amérique du Nord. À l’instar des États-Unis, le Canada et le Mexique sont encadrés par un seul et même service de renseignement, sous le label « Homeland Security », piloté par Washington. Cette mesure est l’exacte application du programme promu par le CFR en 2010 qui appelle à favoriser l’instauration « d’un périmètre commun de sécurité pour l’Amérique du Nord ».
Cependant, un changement radical conduisant à une refonte complète du continent nord-américain ne peut se produire qu’avec des pressions supplémentaires. La guerre qui pointe son nez au Proche-Orient risque de se retourner contre les États-Unis. L’économie américaine ne tient (pour le moment) qu’en raison du rachat des bons du Trésor par la Fed. Celle-ci injecte chaque mois 85 milliards de dollars dans le circuit. Son président, Ben Bernanke, a laissé entendre qu’il réduirait ces injections. Immédiatement, les taux d’intérêts des bons du Trésor américain à 10 ans ont augmenté pour approcher les 3 % au 7 septembre. Si ces taux continuent leur ascension, il sera plus difficile au gouvernement américain comme aux États fédéraux et aux villes – pour Détroit, c’est déjà la fin – d’emprunter de l’argent. L’économie du pays s’en ressentira. Une étude de la banque Merrill Lynch a reconnu qu’à partir de 3,5 %, le marché obligataire, qui permet aux États et aux entreprises de se financer, serait « déréglé » (disorderly). Cette tendance ne fera que s’accentuer en cas de conflit au Proche-Orient. En effet, on estime que 5.600 milliards de dollars de la dette américaine sont tenus par les États étrangers (1.275 milliards par la Chine, 138 milliards par la Russie…). Si ces pays veulent punir les États-Unis d’une intervention contre la Syrie, ils arrêtent d’acheter des bons du Trésor américain. Dans ce cas, les taux de ces derniers monteraient au firmament, faisant exploser l’économie américaine. Ajoutons aussi que cette hausse violente se répercuterait sur les produits des dérivés (possibilité d’achat ou de vente d’un produit à un terme différé) dont la somme astronomique à l’échelle mondiale a été définie par la Banque des règlements internationaux à hauteur de 441.000 milliards de dollars [PDF]. Le désordre qui en découlerait serait tel qu’il justifierait la création de l’Union nord-américaine comme bouée de sauvetage, prétexte invoqué pour surmonter le désastre. Si le plan n’explose pas en vol, la Russie et la Chine aideraient, par leurs interventions, à cette mutation favorable à la philosophie mondialiste.
Face à de tels bouleversements, il est ironique de savoir que les États-Unis soutiennent les mouvements rebelles en Syrie alors que ces derniers nourrissent une haine farouche à l’égard de l’Oncle Sam. Comme le rappelle NBC News, une frange de l’armée d’opposition à Bachar el-Assad présente sur sa page Facebook une photo où la Maison-Blanche brûle. Si le processus de déstabilisation programmée au Proche-Orient va à son terme avec ses implications politiques et économiques mondiales, cette représentation risque ne plus être un simple photomontage.
Pierre Hillard
Docteur en science politique
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