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Maghreb : le Maroc peut-il devenir le nouvel eldorado chinois ?
7 mars 2017
D'où vient cet intérêt économique de plus en plus marqué de Pékin vers le Maroc ? L'économiste et sinologue Thierry Pairault revient sur les opportunités qu'offrent à la Chine le royaume, porte d'entrée vers l'Europe et l'Afrique francophone.
Thierry Pairault est directeur de recherche au CNRS, au Centre d'études sur la Chine moderne et contemporaine de l'École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS). Il participe au Daedalos Institute of Geopolitics. Économiste et sinologue de formation, il s'intéresse aux liens entre la Chine et l'Afrique notamment le Maghreb. Il est l'auteur entre autres de Chine-Algérie : une relation singulière en Afrique (Riveneuve éditions).
RT France : Dignitaires et investisseurs chinois se rendent de plus en plus régulièrement au Maroc. La télévision d'état chinoise a diffusé plusieurs reportages sur le tourisme et la culture au Maroc. Une amicale de députés des deux pays s'est créée... Comment expliquer cet intérêt de Pékin pour le royaume marocain à l'instar de l'Algérie qui était son interlocuteur privilégié dans la région ?
Thierry Pairault (T. P.) : Il y a une sorte de basculement qui s'est opéré par la Chine de l'Algérie vers le Maroc en 2016 qui est de plus en plus clair. La Chine, dans sa reconquête d'une image et d'une place mondiale, a cherché par le passé à étendre son influence politique. L'Algérie servait de porte d'entrée vers un certain nombre de pays africains, essentiellement en quête de libération et d'indépendance tout en n'étant pas spécialement inféodés à Moscou. Cela correspondait à l'état d'esprit et à l'ambition chinoise sur la planète de l'époque avant tout diplomatique et idéologique. Puis Pékin a mis l'économie au coeur de son projet d'ouverture. Or, les ambitions économiques chinoises n'ont jamais été réellement bien reçues en Algérie. Le gouvernement algérien a accepté que les Chinois viennent faire de la construction mais n'a jamais vraiment encouragé l'investissement chinois dans l'industrialisation de l'Algérie. Le secteur automobile algérien en est assez symptomatique. Les deux pays se sont affrontés sur le problèmes des zones économiques spéciales qui, selon les conceptions algérienne et chinoise, étaient totalement opposées. Ce qui fait qu'aujourd'hui, si la Chine est très présente en Algérie, les liens économiques ne sont pas aussi développés qu'on le pense. Ce sont surtout des liens de services. Il n'y a pas d'enracinement. Sans oublier la situation politique du pays qui devient de plus en plus instable car on ne sait rien de ce que pourra être la succession d'Abdelaziz Bouteflika. Ne pas savoir à quoi se préparer ou où l'on met les pieds, c'est quelque chose que détestent les Chinois. Le contexte actuel n'est donc pas du tout favorable pour que la Chine puisse passer avec l'Algérie à l'étape supérieure. A côté de cela, vous avez le Maroc qui a certes un niveau de développement inférieur à celui de l'Algérie mais qui fait preuve d'un grand dynamisme.
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