L'Égypte se dote d'une nouvelle Constitution
Le projet rédigé par la Commission constituante a été présenté vendredi matin au président Morsi pour ratification. Il comprend 234 articles et devrait être soumis à référendum dans les quinze jours.
Envoyé spécial au Caire
C'est à 6 heures du matin vendredi que la Commission consultante égyptienne a présenté son projet de loi fondamentale. Depuis la chute de Moubarak en février 2011, l'Égypte était sans Constitution. Les 234 articles, dont la teneur avait filtré dans la presse jeudi, ont aussitôt été critiqués par l'opposition au président Mohammed Morsi, issu des Frères musulmans. «Cette Constitution n'a pas de valeur, pas d'avenir, elle sera à jeter dans les poubelles de l'Histoire», a déclaré à la télévision, Mohammed ElBaradei, ancien chef de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et figure de l'opposition «libérale» c'est-à-dire anti-islamiste.
Le texte rédigé par cette commission, entièrement composée d'islamistes depuis le boycott de ses membres libéraux, est pourtant moins agressif que ne le laissaient croire les versions de travail publiées sur le Net au fil des mois. L'article 2, qui définit la place de la charia, la loi islamique, dans la Constitution, est finalement modéré. Il reproduit exactement l'article de la précédente Constitution, sous Moubarak. Les «principes de la charia» restent «la source principale du droit». Formule qui permet toutes les interprétations. Des textes publiés en ligne par la commission mentionnaient au contraire les «règles de la charia» comme «base» du droit, ce qui en aurait fait un code défini.
De même, la liberté religieuse est garantie aux adeptes des trois religions monothéistes. Cependant, la charia se glisse dans d'autres articles, dénonce l'opposition. Le chapitre des libertés reste ambigu. Si la liberté de la presse est proclamée, si les syndicats ne peuvent être dissous, les tribunaux militaires gardent la possibilité de juger des civils «en cas de crise de nature à nuire aux forces armées». Termes vagues qui peuvent permettre toutes les dérives. Cette volonté affichée de donner des gages à l'armée renforce les soupçons d'alliance entre Frères musulmans et militaires pour établir un pouvoir autoritaire. Sur le papier, toutefois, le pouvoir est très encadré. Le président ne peut effectuer que deux mandats de quatre ans.
Mais le texte cherche aussi à amadouer les «révolutionnaires», les jeunes qui ont fait la révolution. Comme ils le demandent, les anciens cadres dirigeants du parti d'Hosni Moubarak, le Parti national démocrate (PND), ne peuvent plus se présenter aux élections présidentielle, législatives et municipales. Mais cet article peut aussi servir les intérêts des islamistes, en barrant la route à des adversaires potentiels.