@Ebion
Bonjour, j'ai eu une reflexion, si on considère qu'il n'y a pas d'Ame ou en tout cas de 'Soi' permanent, alors peut on considère un criminel comme coupable de son crime passé ? Sa conscience est le fruit de mecanisme qui ne sont pas les mêmes, qui ont changés. Ce n'est plus le même mecanisme qu'il y a 10 ans.
C'est d'autant plus vrai pour ceux qui ont eux une liaison sévère au cerveau et qui ont vu leurs personnalités changer
J'aimerais ton avis, merci d'avance
Bonjour
La question que tu poses est celle de l'identité, qui préoccupe les philosophes depuis le 17e siècles.
J'ai pas lu John Locke, mais il est connu pour avoir soutenu que l'identité personnelle était fondée, non sur une substance métaphysique comme l'âme, mais sur la mémoire, tout simplement. Je m'identifie à mon moi passé dans la mesure où je me souviens avoir été ce moi passé. Même si j'ai changé de multiples façons.
D'ailleurs, que l'âme existe ou non, ça fait pas vraiment de différence, pas pour cette vie en tout cas. Peut-être que dans l'au-delà ça comptera.
Et comme tu le dis, la question de l'identité est importante particulièrement pour la responsabilité criminelle.
Et donc les philosophes analytiques ont fait toutes sortes d'expériences de pensée (thought experiments) pour essayer de comprendre les limites de la responsabilité.
Par exemple si une personne X au milieu de sa vie perd le souvenir de toute sa vie jusque-là (par exemple à cause d'un choc au cerveau), et qu'ensuite cette personne doit reconstruire son identité à partir de rien, et peut-être acquérir une nouvelle personnalité, ne peut-on dire que c'est comme si son moi antérieur avait été anéanti, et un autre moi avait pris naissance? Voir plus bas ce que je dis sur le moi objectif et subjectif.
Dans ce cas, peut-on tenir cette personne responsable de ses actes avant son accident? Et sinon, on peut quand même se demander si elle ne joue pas la comédie pour échapper à ses responsabilités!!
Et il y a aussi les réincarnationnistes, dont certains disent qu'ils peuvent se souvenir de leurs vies antérieures (quoique ce genre de récits est généralement insignifiant). Justement, le principal argument contre la réincarnation est qu'on a aucun souvenir de ces vies antérieures, donc, qu'elles existent ou non, cela ne changera rien en fait.
Et si on hérite d'un « mauvais karma » à cause de ces vies antérieures dont on a aucun souvenir, alors c'est profondément injuste.
Remarque quand même que l'argument de l'absence de souvenir de vies antérieures est pas décisif. Après tout, personne ne se souvient de ce qu'il était à 1 an, ou à l'état fœtal. Et pourtant on existait bien, et on avait bien une forme de conscience.
Sans aller jusque-là, il y a des questions qui se posent pour les tribunaux, qui sont pas seulement abstraites. Si une personne âgée souffrant d'Alzheimer est jugée pour un crime grave commis 40 ans plus tôt, devrait-elle être condamnée? Son avocat peut-il plaider la non-responsabilité criminelle? J'ai pas de réponses. Cela me laisse perplexe.
C'est difficile de s'imaginer dans la peau de quelqu'un qui perd toute sa mémoire et son identité. Et pourtant! Si vous êtes comme moi, vous avez déjà eu cette expérience-là, je veux dire quelques secondes immédiatement après le réveil d'un sommeil profond. On est dans le lit avec nos pensées embrumées et profondément désorientés. Puis soudainement les souvenirs se rallument et on peut se resituer. Mais si les souvenirs ne se rallumaient pas, justement?
En terminant, j'aimerais attirer l'attention sur une distinction qu'il faut peut-être faire entre le moi subjectif et le moi objectif. Le moi subjectif, c'est notre conscience d'exister, qui est rattachée à notre cerveau particulier. Cette conscience nous accompagne toute notre vie. Mieux, cette conscience, c'est le sujet connaissant et voulant, avec un point de vue unique sur le monde, le sujet-je.
D'un autre côté, le moi objectif, ce sont les expériences biographiques, les connaissances, les choix, les valeurs, les traits de caractère, les relations avec les autres, la position dans la société, autrement dit l'ensemble des qualités objectives qui constituent une personne. Mais justement, cela s'identifie pas au moi subjectif, bien que le moi subjectif en temps normal s'y reconnaisse.
Dans le cas d'une amnésie, d'un dommage au cerveau, il peut y avoir par conséquent une déconnexion entre le moi objectif et le moi subjectif.
Puis il y a des schizophrènes qui disent des choses encore plus bizarres sur leur conscience, mais je les comprends pas, et je sais pas s'ils donnent aux mots le même sens que nous.