Les Belgo-Marocains sont mieux intégrés que leurs parents, mais se sentent plus discriminés: comment en est-on arrivé là?
Publié le 23 juin 2015 à 06h00 | 691 | Réagir
Les Belgo-Turcs et Belgo-Marocains se sentent-ils belges? Se sentent-ils discriminés? Pensent-ils que les Belges doivent s'adapter aux musulmans? La dernière étude de la fondation Roi Baudouin aborde ces sujets brûlants avec les principaux intéressés. Et les résultats pourraient en surprendre plus d'un. Avec humanité et franchise, Sofia et Serdar ont accepté de commenter ces questions.
Qu'il s'invite dans les médias ou aux dîners de famille, le thème du vivre ensemble ne semble laisser personne indifférent en Belgique. Certains le voient comme une chance. D'autres, le ressentent comme une tare. Qu'en pensent les femmes et les hommes belgo-marocains et belgo-turcs? Comment le vivent-ils? La dernière étude de la Fondation Roi Baudouin ose aborder sans tabou les questions de discrimination et d'identité. Et les résultats du questionnaire, auquel 700 Belges d'origine turque et marocaine ont répondu, ne vont pas toujours dans le sens des déclarations polémiques souvent répercutées dans les médias.
"Pas facile de trouver un emploi quand on s'appelle Mohammed"
Le sentiment de discrimination, les Belges d'origine turque et marocaine le connaissent. Selon l'étude, près d'un Belgo-Marocain sur deux (49,9%) estime avoir été victime de discriminations. La plupart du temps (62,8%), dans la recherche d'un emploi. "J'ai des amis qui ont galéré pour trouver un emploi", raconte Sofia*, jeune maman belgo-marocaine, manager dans le domaine de la finance. Parmi ses amis diplômés de la même école de gestion réputée, certains ont eu bien du mal à décrocher un emploi. A ses yeux, l'explication est à chercher dans leurs origines. "Ce n'est pas facile quand on s'appelle Mohammed, considère-t-elle. J'ai des amis de mon école de gestion qui parlent cinq langues et qui ont ramé pour trouver un job. Parfois pendant des années. Certains ont fini par se décourager et sont partis à Londres, où ils ont été engagés directement. Ils ont réellement souffert de cela".
L'étude s'intéresse au sentiment de discrimination, donc à la perception personnelle de la discrimination. Ainsi, si un employeur refuse un candidat "en raison de ses origines étrangères", il s'agit d'un cas flagrant de discrimination. Si ce même employeur refuse un candidat aux origines étrangères sans se justifier, et que le candidat estime avoir été discriminé à cause de ces mêmes origines, il s'agira d'un sentiment de discrimination. Que le candidat ait tort ou raison de penser cela, cela reste une impression subjective.
Mais pour Sofia, "il ne faut pas se leurrer": "Quand on a un profil tip top pour un job et que l'employeur reste vague sur les raisons pour lesquelles on n'est pas pris et que c'est répétitif, il faut se poser des questions".
Et l'étude de spécifier: "Le chômage, la discrimination et le racisme restent des phénomènes vécus de manière importante par les Belgo-Turcs et les Belgo-Marocains. Ceci est particulièrement le cas pour les personnes nées en Belgique. Cela signifie que le fait d’être né, éduqué et socialisé en Belgique ne constitue pas un bouclier suffisamment fort pour pouvoir être à l’abri de ces phénomènes". Comme nous le verrons dans les paragraphes ci-dessous, il existe donc une différence par rapport aux immigrés (donc, aux personnes qui ne sont pas nées sur le sol belge).
Selon Sofia, les filles ont plus de facilités sur le marché de l'emploi
La jeune femme, elle, n'a pas connu ce genre de problèmes. "Il faut être honnête: moi, je n'ai jamais connu de discrimination à l'emploi". Pour quelles raisons? La jeune femme avance deux explications."D'une part, le fait d'être une femme joue, estime-t-elle. Je pense qu'on a moins peur d'une Belge d'origine marocaine que d'un garçon. Si elle ne porte pas le voile et qu'elle ne mentionne pas trop sa religion, une fille pourra s'intégrer plus vite. D'autre part, je travaille dans un secteur qui a besoin d'une composante internationale. Dans mon métier, c'est un atout d'avoir des origines marocaines". En effet, grâce à l'arabe qu'elle maîtrise, Sofia peut facilement travailler avec des pays arabophones au Moyen Orient par exemple.
"Je pense que j'ai été discriminé dans la recherche d'un logement à cause de mon nom de famille"
En ce qui concerne le groupe des Belgo-Turcs, 37,1% des personnes interrogées estiment avoir été victimes de discriminations. Serdar, 26 ans, est d’origine turque. Cet agent de sécurité considère avoir déjà souffert d’une forme de différenciation. "Oui, je me suis déjà senti discriminé, estime-t-il. Ce n’est pas tant en fonction de mon apparence. Je me fonds facilement dans la masse avec mon physique. Mais une fois l’appartenance ethnique ou religieuse révélée, cela peut créer des situations délicates. Je pense que j’ai été discriminé avec mon nom dans la recherche d’un logement par exemple", ajoute Serdar.
Selon la Fondation Roi Baudouin, plus on a fait d'études, plus on est sensible à la question de la discrimination. Aussi, il existe une différence par rapport au lieu de naissance : une personne née en Belgique de parents étrangers ne se percevra pas de la même manière qu'une personne née à l'étranger: elle aura donc des attentes différentes.
Ceux qui sont nés en Belgique "ont un cadre de référence totalement différent que la première génération qui a, elle, choisi de migrer", poursuit l'étude de la Fondation Roi Baudouin. Les personnes d'origine marocaine nées en Belgique peuvent donc avoir une "plus haute attente de l'égalité de traitement que tout le monde mérite". Les Belgo-Marocains parlent le français (ou le néerlandais) couramment, ont grandi, étudié en Belgique et connaissent leurs droits: ils pourraient donc tendre à se comparer plus aux Belges non issus de l'immigration. Cela donne un effet étrange: ces Belges sont mieux intégrés que leurs parents d'un point de vue socio-économique, mais se sentent plus discriminés. Pour connaître la totalité de l'explication avancée par les chercheurs de l'étude,consultez les pages 155 à 165 du document PDF.
L'étude précise qu'elle n'a pas observé cette différence entre ceux qui sont nés en Belgique et ceux qui ne le sont pas avec les répondants turcs.
"Je me sens belge à 100% et marocaine à 100%"
La question de l'identité revient, elle aussi, bien souvent dans les médias. En France, les débats sur l'identité nationale semblent avoir attisé les crispations autour de l'immigration. Chez nous, certains s'émeuvent d'entendre certains Belgo-Marocains se sentir plus marocains que belges. Mais qu'en est-il vraiment? Que ressentent ces Belges d'origines variées? L'étude apporte un éclairage intéressant.
L'identité d'origine a une réelle importance aux yeux des répondants. 61,7% des Belgo-Marocains et 65,8 % des Belgo-Turcs se sentent très fortement et fortement liés à cette identité. "C'est mon cas, à 100%, confirme Sofia. Je suis belge et très fière de l'être, mais je suis marocaine aussi. Cette identité, je l'ai en moi. Je porte fièrement les couleurs de la Belgique, mais je garde mon identité marocaine".
Autre enseignement de l'étude: la majorité des répondants dans les deux groupes se sent tout autant belge que marocaine ou turque. Ce résultat est une évolution majeure, précise la Fondation roi Baudouin, "car ils n’étaient que 20% à déclarer la même chose en 2009 pour les Belgo-Marocains et 14% en 2007 pour les Belgo-Turcs". "Je me sens autant lié à mes origines turques qu’à la Belgique", affirme Sedar. Selon lui, son engagement militaire a joué un rôle. Après un certificat d’études secondaires en général, Serdar s’est engagé dans l’armée. Trois ans de formation intense. "A l’époque, je ne me suis pas engagé dans l’armée dans un but de service à la nation. C’était juste un job que je voulais faire. Une envie. Maintenant quand tu fais l’armée, tu en ressors plus imprégné par l’attachement à la Belgique. C’est sûr".
Une éducation belge "trop souple", selon Serdar
Près de la moitié des Belgo-Marocains (49,9%) se reconnait dans le mode d’éducation de leurs concitoyens non issus de l'immigration et estime qu’elle éduque ses enfants d’une manière semblable (très similaire ou assez similaire). Cette proportion est un peu plus faible en ce qui concerne les Belgo-Turcs (44%). "Je me reconnais partiellement dans le mode d’éducation des Belgo-Belges. Si j’ai des enfants, je les éduquerais de la même manière que mes parents m’ont éduqué, mais en étant imprégné du mode de vie que j’ai eu ici. Ce sera un mix", fait savoir Serdar avant d’enchainer:"De mon éducation, je garderai les valeurs. Elles sont plus ancrées. Il faut savoir rester carré. Je la trouve de temps en temps trop souple, trop ouverte l’éducation belgo-Belge".
Pour Sofia, la distinction entre l'éducation des enfants par un Belge issus de l'immigration et un autre non issu de l'immigration n'a pas de sens. Elle le constate chaque jour en élevant sa fillette. "Je ne vois pas où est la différence, insiste-t-elle. Eduquer un enfant, c'est lui donner le goût du travail, lui donner des limites: les Belges d'origine marocaine et ceux non issus de l'immigration élèvent leurs enfants de la même façon à ce niveau-là. Chez les Marocains, on a tendance à respecter le patriarche, à aller visiter la famille: on peut tout à fait trouver ces aspects-là dans des familles belges non issues de l'immigration".
Au niveau des différences, la jeune femme cite par exemple les habitudes alimentaires. "Le fait de ne pas boire d'alcool ou de ne pas manger de porc est une différence, relève-t-elle. Mais là encore, je connais des Belges qui éduquent leurs enfants pour qu'ils ne boivent pas".
"Je reste un étranger pour eux où que j’aille"
Les personnes issues de l'immigration ont, par nature, plusieurs foyers. Mais bien souvent, elles expliquent souffrir du regard de l'autre. Comme si elles n'étaient chez elles nulle part. Selon l'étude, environ la moitié des répondants indique avoir le sentiment d’être perçue comme belge par les Belges non-issus de l’immigration. C’est le cas de 50,5% des interviewés d’origine marocaine et de 49,7% des répondants d’origine turque. Serdar, lui, fait partie de l’autre moitié. Celle de ceux qui ne se sentent pas perçus comme belge par les non dits "Belgo-Belges": "Je n’ai pas l’impression d’être un Belge pour les Belgo-Belges. Je reste un étranger pour eux où que j’aille. Je me sens parfaitement intégré pourtant."
Publié le 23 juin 2015 à 06h00 | 691 | Réagir
Les Belgo-Turcs et Belgo-Marocains se sentent-ils belges? Se sentent-ils discriminés? Pensent-ils que les Belges doivent s'adapter aux musulmans? La dernière étude de la fondation Roi Baudouin aborde ces sujets brûlants avec les principaux intéressés. Et les résultats pourraient en surprendre plus d'un. Avec humanité et franchise, Sofia et Serdar ont accepté de commenter ces questions.
Qu'il s'invite dans les médias ou aux dîners de famille, le thème du vivre ensemble ne semble laisser personne indifférent en Belgique. Certains le voient comme une chance. D'autres, le ressentent comme une tare. Qu'en pensent les femmes et les hommes belgo-marocains et belgo-turcs? Comment le vivent-ils? La dernière étude de la Fondation Roi Baudouin ose aborder sans tabou les questions de discrimination et d'identité. Et les résultats du questionnaire, auquel 700 Belges d'origine turque et marocaine ont répondu, ne vont pas toujours dans le sens des déclarations polémiques souvent répercutées dans les médias.
"Pas facile de trouver un emploi quand on s'appelle Mohammed"
Le sentiment de discrimination, les Belges d'origine turque et marocaine le connaissent. Selon l'étude, près d'un Belgo-Marocain sur deux (49,9%) estime avoir été victime de discriminations. La plupart du temps (62,8%), dans la recherche d'un emploi. "J'ai des amis qui ont galéré pour trouver un emploi", raconte Sofia*, jeune maman belgo-marocaine, manager dans le domaine de la finance. Parmi ses amis diplômés de la même école de gestion réputée, certains ont eu bien du mal à décrocher un emploi. A ses yeux, l'explication est à chercher dans leurs origines. "Ce n'est pas facile quand on s'appelle Mohammed, considère-t-elle. J'ai des amis de mon école de gestion qui parlent cinq langues et qui ont ramé pour trouver un job. Parfois pendant des années. Certains ont fini par se décourager et sont partis à Londres, où ils ont été engagés directement. Ils ont réellement souffert de cela".
L'étude s'intéresse au sentiment de discrimination, donc à la perception personnelle de la discrimination. Ainsi, si un employeur refuse un candidat "en raison de ses origines étrangères", il s'agit d'un cas flagrant de discrimination. Si ce même employeur refuse un candidat aux origines étrangères sans se justifier, et que le candidat estime avoir été discriminé à cause de ces mêmes origines, il s'agira d'un sentiment de discrimination. Que le candidat ait tort ou raison de penser cela, cela reste une impression subjective.
Mais pour Sofia, "il ne faut pas se leurrer": "Quand on a un profil tip top pour un job et que l'employeur reste vague sur les raisons pour lesquelles on n'est pas pris et que c'est répétitif, il faut se poser des questions".
Et l'étude de spécifier: "Le chômage, la discrimination et le racisme restent des phénomènes vécus de manière importante par les Belgo-Turcs et les Belgo-Marocains. Ceci est particulièrement le cas pour les personnes nées en Belgique. Cela signifie que le fait d’être né, éduqué et socialisé en Belgique ne constitue pas un bouclier suffisamment fort pour pouvoir être à l’abri de ces phénomènes". Comme nous le verrons dans les paragraphes ci-dessous, il existe donc une différence par rapport aux immigrés (donc, aux personnes qui ne sont pas nées sur le sol belge).
Selon Sofia, les filles ont plus de facilités sur le marché de l'emploi
La jeune femme, elle, n'a pas connu ce genre de problèmes. "Il faut être honnête: moi, je n'ai jamais connu de discrimination à l'emploi". Pour quelles raisons? La jeune femme avance deux explications."D'une part, le fait d'être une femme joue, estime-t-elle. Je pense qu'on a moins peur d'une Belge d'origine marocaine que d'un garçon. Si elle ne porte pas le voile et qu'elle ne mentionne pas trop sa religion, une fille pourra s'intégrer plus vite. D'autre part, je travaille dans un secteur qui a besoin d'une composante internationale. Dans mon métier, c'est un atout d'avoir des origines marocaines". En effet, grâce à l'arabe qu'elle maîtrise, Sofia peut facilement travailler avec des pays arabophones au Moyen Orient par exemple.
"Je pense que j'ai été discriminé dans la recherche d'un logement à cause de mon nom de famille"
En ce qui concerne le groupe des Belgo-Turcs, 37,1% des personnes interrogées estiment avoir été victimes de discriminations. Serdar, 26 ans, est d’origine turque. Cet agent de sécurité considère avoir déjà souffert d’une forme de différenciation. "Oui, je me suis déjà senti discriminé, estime-t-il. Ce n’est pas tant en fonction de mon apparence. Je me fonds facilement dans la masse avec mon physique. Mais une fois l’appartenance ethnique ou religieuse révélée, cela peut créer des situations délicates. Je pense que j’ai été discriminé avec mon nom dans la recherche d’un logement par exemple", ajoute Serdar.
Selon la Fondation Roi Baudouin, plus on a fait d'études, plus on est sensible à la question de la discrimination. Aussi, il existe une différence par rapport au lieu de naissance : une personne née en Belgique de parents étrangers ne se percevra pas de la même manière qu'une personne née à l'étranger: elle aura donc des attentes différentes.
Ceux qui sont nés en Belgique "ont un cadre de référence totalement différent que la première génération qui a, elle, choisi de migrer", poursuit l'étude de la Fondation Roi Baudouin. Les personnes d'origine marocaine nées en Belgique peuvent donc avoir une "plus haute attente de l'égalité de traitement que tout le monde mérite". Les Belgo-Marocains parlent le français (ou le néerlandais) couramment, ont grandi, étudié en Belgique et connaissent leurs droits: ils pourraient donc tendre à se comparer plus aux Belges non issus de l'immigration. Cela donne un effet étrange: ces Belges sont mieux intégrés que leurs parents d'un point de vue socio-économique, mais se sentent plus discriminés. Pour connaître la totalité de l'explication avancée par les chercheurs de l'étude,consultez les pages 155 à 165 du document PDF.
L'étude précise qu'elle n'a pas observé cette différence entre ceux qui sont nés en Belgique et ceux qui ne le sont pas avec les répondants turcs.
"Je me sens belge à 100% et marocaine à 100%"
La question de l'identité revient, elle aussi, bien souvent dans les médias. En France, les débats sur l'identité nationale semblent avoir attisé les crispations autour de l'immigration. Chez nous, certains s'émeuvent d'entendre certains Belgo-Marocains se sentir plus marocains que belges. Mais qu'en est-il vraiment? Que ressentent ces Belges d'origines variées? L'étude apporte un éclairage intéressant.
L'identité d'origine a une réelle importance aux yeux des répondants. 61,7% des Belgo-Marocains et 65,8 % des Belgo-Turcs se sentent très fortement et fortement liés à cette identité. "C'est mon cas, à 100%, confirme Sofia. Je suis belge et très fière de l'être, mais je suis marocaine aussi. Cette identité, je l'ai en moi. Je porte fièrement les couleurs de la Belgique, mais je garde mon identité marocaine".
Autre enseignement de l'étude: la majorité des répondants dans les deux groupes se sent tout autant belge que marocaine ou turque. Ce résultat est une évolution majeure, précise la Fondation roi Baudouin, "car ils n’étaient que 20% à déclarer la même chose en 2009 pour les Belgo-Marocains et 14% en 2007 pour les Belgo-Turcs". "Je me sens autant lié à mes origines turques qu’à la Belgique", affirme Sedar. Selon lui, son engagement militaire a joué un rôle. Après un certificat d’études secondaires en général, Serdar s’est engagé dans l’armée. Trois ans de formation intense. "A l’époque, je ne me suis pas engagé dans l’armée dans un but de service à la nation. C’était juste un job que je voulais faire. Une envie. Maintenant quand tu fais l’armée, tu en ressors plus imprégné par l’attachement à la Belgique. C’est sûr".
Une éducation belge "trop souple", selon Serdar
Près de la moitié des Belgo-Marocains (49,9%) se reconnait dans le mode d’éducation de leurs concitoyens non issus de l'immigration et estime qu’elle éduque ses enfants d’une manière semblable (très similaire ou assez similaire). Cette proportion est un peu plus faible en ce qui concerne les Belgo-Turcs (44%). "Je me reconnais partiellement dans le mode d’éducation des Belgo-Belges. Si j’ai des enfants, je les éduquerais de la même manière que mes parents m’ont éduqué, mais en étant imprégné du mode de vie que j’ai eu ici. Ce sera un mix", fait savoir Serdar avant d’enchainer:"De mon éducation, je garderai les valeurs. Elles sont plus ancrées. Il faut savoir rester carré. Je la trouve de temps en temps trop souple, trop ouverte l’éducation belgo-Belge".
Pour Sofia, la distinction entre l'éducation des enfants par un Belge issus de l'immigration et un autre non issu de l'immigration n'a pas de sens. Elle le constate chaque jour en élevant sa fillette. "Je ne vois pas où est la différence, insiste-t-elle. Eduquer un enfant, c'est lui donner le goût du travail, lui donner des limites: les Belges d'origine marocaine et ceux non issus de l'immigration élèvent leurs enfants de la même façon à ce niveau-là. Chez les Marocains, on a tendance à respecter le patriarche, à aller visiter la famille: on peut tout à fait trouver ces aspects-là dans des familles belges non issues de l'immigration".
Au niveau des différences, la jeune femme cite par exemple les habitudes alimentaires. "Le fait de ne pas boire d'alcool ou de ne pas manger de porc est une différence, relève-t-elle. Mais là encore, je connais des Belges qui éduquent leurs enfants pour qu'ils ne boivent pas".
"Je reste un étranger pour eux où que j’aille"
Les personnes issues de l'immigration ont, par nature, plusieurs foyers. Mais bien souvent, elles expliquent souffrir du regard de l'autre. Comme si elles n'étaient chez elles nulle part. Selon l'étude, environ la moitié des répondants indique avoir le sentiment d’être perçue comme belge par les Belges non-issus de l’immigration. C’est le cas de 50,5% des interviewés d’origine marocaine et de 49,7% des répondants d’origine turque. Serdar, lui, fait partie de l’autre moitié. Celle de ceux qui ne se sentent pas perçus comme belge par les non dits "Belgo-Belges": "Je n’ai pas l’impression d’être un Belge pour les Belgo-Belges. Je reste un étranger pour eux où que j’aille. Je me sens parfaitement intégré pourtant."