Purge de Sofia Oksanen
J ai lu ce livre il y a quelques temps déjà, il m a beaucoup marqué, l histoire, l écriture, on se sent concerné par ce drame.
Synopsis:
Zara a quitté Vladivostok peu après la chute de l'URSS et, attirée par la perspective de gagner de l'argent à l'Ouest, s'est laissé entraîner, à Berlin, dans le trafic de femmes et la prostitution. Aliide, de deux générations plus âgée, a été surprise en train de cueillir des champignons peu après la seconde guerre mondiale, accusée d'apporter "de la nourriture à des bandits", violée par "un homme aux bottes de cuir chromé", et jetée dans un fossé.
En 1992, un an après l'indépendance de l'Estonie, Zara, fuyant son souteneur, vient s'échouer dans le jardin d'Aliide, en Estonie occidentale, et implore sa protection. Aliide est alors envahie par la terreur de la jeune femme, comme si son corps était une archive vivante : "Bon sang, comment se souvenait-il (son corps) de cette angoisse, s'interroge-t-elle. Comment s'en souvenait-il si bien qu'il était prêt à la partager dès qu'il l'apercevait dans les yeux d'une inconnue ? " Dans la suite du roman, il sera question de jalousie entre soeurs, de collaboration pendant la guerre, d'amour caché, d'une photo recouverte de pelures d'oignon, de dénonciations arbitraires, d'ennemis du peuple, d'arrestations, de secret de famille - ne soyons pas trop précis, la qualité du suspense tient justement à la lente distillation des informations... En tout cas, ce qui lie les personnages d'Oksanen et fait le socle de son livre, c'est ce couple peur-honte et tout ce qui gravite autour, faute, culpabilité, rédemption... On dirait, pense Aliide, qu'elles - la peur et la honte - ne se sont "jamais absentées ". Qu'elles sont "justes allées se promener et que le soir venu, elles rentrent à la maison".
Pour purger ces abcès qui purulent en secret comme des rivières souterraines, Sofi Oksanen a lu tout ce qu'elle a pu trouver sur le viol en temps de conflit. "Les victimes présentent toutes le même genre de traumatismes, souligne-t-elle. Elles se lavent sans arrêt, le corps, les mains, et évitent de regarder les autres dans les yeux... C'est pour ça qu'au début j'avais conçu Purge comme une pièce de théâtre. Le théâtre vous force à regarder en face ce qui est fait pour rester caché."
Métaphoriquement, l'auteur veut aussi "laver" l'honneur perdu des petits pays baltes successivement occupés par l'Armée rouge, conquis par les Allemands, repris par les Russes, méprisés par Moscou et désormais négligés par les Européens de l'Ouest. Pour cela, elle a fouillé les archives d'anciens officiers du KGB, "des déserteurs qui, à la fin de l'occupation soviétique, n'avaient pas détruit leurs archives". Résultat : son roman agit un peu comme le film de Florian Henckel von Donnersmarck, La Vie des autres. Il inquiète, il dérange, il captive... Bref, il ne s'oublie pas.
http://www.lemonde.fr/livres/article/2010/09/09/purge-de-sofi-oksanen_1408779_3260.html