Il est évident que le fait que Moubarak ait été laché par les Etats-Unis et par le monde entier d'ailleurs, a certainement favorisé le lâchâge de l'armée égyptienne. Mais on est loin d'une vision complotiste caricaturale avec la CIA qui ne fait que modeler le monde à son humeur. D'ailleurs, il faut rappeler que fondamentalement, les Etats-Unis, de même qu'Israël, préfèrent le status quo en Egypte, pays jusqu'ici allié. On aimerait bien savoir ce quel serait l'intérêt d'une révolution en Egypte pour Washington et Tel Aviv avec un chaos potentiel à la clé et un éventuel nouveau régime hostile.
Aucun intérêt, c'est bien pour cela que ces deux états essaient de reprendre la main en Egypte et en Tunisie via la Lybie. Lorsqu'on ne peut plus contrôler par le haut (pouvoir exécutif parachuté) on s'infiltre par le bas (orientation de la future majorité parlementaire, ici l'histoire montre que tous les coups sont permis). En dernier ressort, semer le chaos permet de temporiser. Un éventuel régime hostile n'étant pas forçément un mal en soi, tout dépend la zone, le pays, et sa place dans le plan géostratégique de l'acteur en manoeuvre. Alimenter la fracture artificielle Islam/Occident s'est avéré fructueux pour le commerce et l'industrie ces trentes dernières années, et plutôt porteur du point de vue éléctoral, que des groupes de pression aient encore foi en cette perspective semble logique.
Toute la question est de savoir qui a les moyens de ses prétentions. A mon avis ni Washington, ni Tel Aviv, l'un pour des motifs essentiellement intérieurs et budgétaires, l'autre pour des raisons de politique régionale. Deux contentions étroitement corrélées.
Il ne faut pas perdre de vue que ces expuissances sont actuellement autant en décalage intellectuel avec la contraction historique majeure qu'est la montée en puissance des attentes populaires en pleine dépression économique que les régimes dont elles ont pour la plupart permis la pérennité.
Elites et dirigeants sont dans les deux cas incapables de penser un monde différent de celui dans lequel leurs carrières ont prospéré, aussi bien dans l'action que l'opposition. Ce monde, celui d'après 45, déterminé par les doctrines politiques et économiques anglosaxonnes, n'existe pourtant déjà plus. Survivra dans la nouvelle donne celui qui aura su innover. C'est exactement ce que la ligne européaniste de l'Allemagne essaie de défendre au sein de l'Union.
C'est aussi pourquoi il est vital que les jeunes générations s'impliquent dans cet immense chantier, mieux à même de se défaire des paradigmes caduques que leurs aînés. Sans quoi, nous nous dirigeons vers une ère de relations internationales brutale.
Pour te répondre sur la contestation des gouvernements transitoires c'est précisément de cela qu'ont l'intuition les jeunes tunisiens et egyptiens, que les structures des anciens pouvoirs sont toujours bien présentes, que les tentatives pour freiner ou orienter leurs aspirations sont nombreuses en interne comme à l'étranger. Il suffit de parcourir les blogs des militants égyptiens à l'origine du mouvement ou de se rendre en Tunisie où les manifestations sont régulières, pour constater que la mobilisation, des jeunes surtout, est encore très présente.
http://www.directmatin.fr/depeches/...-balles-dans-une-manifestation-sid-48813.html