Au Maroc, le règne de Mohammed VI avait apporté à ses débuts quelques lueurs d’espoir : limogeage de Driss Basri ; libération de détenus politiques et retour dans sa patrie d’Abraham Serfaty ; politique volontariste en termes d’infrastructures ; réforme du code du statut personnel améliorant la condition des femmes…
Mais, en l’absence de changement profond d’un système où le makhzen a continué de régir en maître, ces réformes ne se sont pas attaquées aux fondamentaux absolutistes du régime, et leur rythme s’est vite essoufflé. C’est ainsi qu’emprisonnement et torture ont repris ; des organes de presse ont été contraints à la disparition ; des journalistes condamnés à la prison ou à des indemnités colossales ; l’affairisme et l’enrichissement des proches du Palais se sont accélérés… Le message est clair : la récréation est terminée !
Les promesses de réforme annoncées par le roi dans son discours du 9 mars ont entrouvert des fenêtres qui ne sauront enrayer le mouvement. En effet, les promesses de révision globale de la constitution ont été vidées de leur sens dès le lendemain par M. Manouni, président de la Commission de révision, nommé par le roi, qui a assuré que seules des modifications de forme et limitées seraient apportées à la Constitution. Les membres de cette Commission sont nommés par le roi et sont, pour l’essentiel, acquis au pouvoir.
Surtout, le discours n’a pas répondu à la revendication essentielle exigeant une monarchie parlementaire où le roi règne mais ne gouverne pas. Et donc à l’exigence de séparation des pouvoirs, notamment religieux et politique, qui implique la fin de la «Commanderie des croyants», clé de voûte de la monarchie absolue et de droit divin. Il a au contraire affirmé «la sacralité de nos constantes» et des référentiels «immuables».
Enfin, il n’a pas annoncé la fin du quasi-monopole du pouvoir politique sur les affaires économiques, cause d’un enrichissement insolent et du pillage du patrimoine national.
La révolution en marche aujourd’hui, dont la revendication centrale est l’instauration d’une monarchie parlementaire, vise un système, dans son maillage absolutiste, qui a démontré son pouvoir de nuisance. La violente répression du 13 mars puis celles qui l’ont suivie ont prouvé que la coercition ne fera qu’exacerber colère et protestation et aboutir à une violence non maîtrisée pouvant déboucher sur une confrontation ouverte. Le bain de sang libyen est là pour nous rappeler les voies à ne pas suivre.
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Source :
http://www.liberation.fr/monde/01012333139-maroc-une-revolution-urgente-et-legitime