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La momie de Ramsès II
Le sarcophage
La momie de Ramsès II fut trouvée enfermée dans un sarcophage de bois en forme de statue osirienne. Les yeux sont peints, les traits rehaussés de noir, et les mains tiennent le sceptre et le fléau, signes de la royauté. Mais ce n'est pas le cercueil primitif qui avait dû être détruit par les pilleurs de tombe.
La momie de Ramsès sans son sarcophage. Les bandelettes ont été réajustées sur les membres supérieurs.
Photo CEA n°C 20458
Il porte au niveau de la poitrine deux inscriptions hiératiques écrites à l'encre, une troisième se trouvant sur le rebord extérieur du couvercle au niveau du sommet de la tête. Ce sont les procès-verbaux des transferts successifs de la momie de tombe en tombe :
· Le premier date de l'an VI de Ramsès XI et relate le transfert du cadavre de son tombeau à celui de Séthi I
· Le second date de l'an X de siamon et témoigne du transfert du cercueil du tombeau de Séthi I à celui de la Reine Inhapi
· enfin, le troisième, postérieur de trois jours au précédent confirme le transfert du sarcophage de la tombe d'Inhapi à la "Cachette de Deir-el-Bahari"
Le bilan radiographique et xéroradiographique réalisé au Musée de l'Homme de Paris par le Pr. C. Fauré, et les Drs. M. Bard et C. Massare fut compliqué par l'impossibilité de manipuler la momie.
L'aspect extérieur de la momie
Gaston Maspéro, décrit la momie telle qu'elle était lors de son démaillotage :
"... le masque de la momie donne suffisamment l'idée de ce qu'était le masque du roi vivant : une expression peu intelligente, peut-être légèrement bestiale, mais de la fierté, de l'obstination et un air de majesté souveraine qui perce encore sous l'appareil grotesque de l'embaumement..."
La momie mesure encore 1,72m, et ne présente aucune trace de traumatisme ante-mortem. Seule, béante, s'ouvre la brèche d'éviscération au niveau du flanc gauche.
Ramsès II était leucoderme et ses cheveux étaient roux. Son profil d'aigle au nez bourbonien et au menton court lui donnait un air autoritaire. Les oreilles percées devaient supporter les lourdes boucles d'oreille en or, un des rares objet du trésor parvenu à nous en dépit des vols et profanations. L'avant-bras gauche est posé sur l'avant bras droit, contrairement à la disposition rituelle inverse.
Les examens réalisés au Musée de l'Homme de Paris
Des prélèvements effectués sur, sous, et dans la momie, mais aussi sur le cercueil, le linceul et bandelettes furent analysés par une quinzaine de laboratoires spécialisés en cryptogamie, entomologie, botanique, biologie, palynologie mettant au travail une cinquantaine de chercheurs et de techniciens.
Ces examens montrèrent que :
· contrairement à ce qui est évident pour nombre d'autres momies, la "maladie" de Ramsès II n'était pas de nature bactérienne
· peu d'insectes furent mis en évidence, du fait de l'action des insecticides utilisés périodiquement au Musée du Caire
· des millions de pollens furent mis en évidence, provenant de la contamination moderne de la momie, mais surtout de leur présence au sein des onguents à base d'huiles essentielles utilisées par les embaumeurs, beaucoup de pollens lourds des céréales cultivées dans le Delta, pollens de camomille, platane, tilleul, sauge, renoncule mais aucun pollen de plantes d'eau du Nil
· Des grains de sable d'origine désertique et marine collés aux cheveux prouvent que la préparation de la momie avait été réalisée à proximité de la capitale du Nord, dans le Delta
· la momie, ses linges et son sarcophage étaient colonisés par des champignons qui provoquaient la dégradation lente mais continue de la dépouille.
Pour endiguer ce processus, il était donc indispensable de détruire les colonies de cryptogames, et donc la stérilisation de la momie s'imposait.
Le Commissariat à l'Energie Atomique proposa de traiter la momie aux rayons gamma, méthode utilisée dans le cadre du Projet Nucléart de sauvegarde des documents artistiques et archéologiques. Cette technique assurait une stérilisation homogène de la momie à travers une enveloppe étanche qui constituait une prévention efficace contre de nouvelles contaminations.
L'irradiation fut réalisée le 9 mai 1977 dans la cellule Poséidon de la Section de Chimie appliquée des Polymères et des rayonnements, à Saclay. L'activité totale des sources utilisées était de 160.000 curies et la durée de l'irradiation de 12h 40 mn.
Les bilans radiographiques
Une couverture radiographique tout à fait exceptionnelle par la qualité des clichés obtenus fut réalisée par le Docteur Clément Fauré, complétant celle effectuée au Caire par les Docteurs El Meligiy et Ramsiys sous la direction du Professeur Kassem. De plus, des xérographies furent également faites à cette occasion par les Docteurs Bard et Massare, ainsi que des chromodensitographies dues aux Docteurs Thuilliez et Lichtenberg.
Radiographie du crâne de Ramsès II, montrant le remplissage de la partie postérieure de la boîte crânienne par la résine introduite après excérébration. Radio. Du Pr. Clément FAURE
Les radios du crâne révèlent que les 2/3 de la partie postérieure de l'endocrâne sont occupés par la résine introduite après excérébration par perforation du crible ethmoïdal. La position de la momie en décubitus dorsal lors des manœuvres de momification explique le niveau horizontal de cette résine.
Le nez est comblé par de petites structures de 3 mm de diamètre environ, d'origine végétale du poivre (piper nigrum) et l'ouverture des orifices narinaires est obstruée par une substance lenticulaire de 3 cm sur 1,5 cm probablement un bouchon en résine.
Xérographie de Ramsès II
Ce document montre la présence des grains de poivre dans le nez, destinés à éviter l'effondrement des tissus mous du nez après momification.
L'état dentaire est très mauvais: on note l'abrasion des tables occlusales, la réduction de certaines dents à l'état de racines ( 16, 26, et 37), et la présence de lésions périapicales sur 46., l'absence des incisives et canines maxillaires sauf la 11 et la 13, l'absence des 36, 47, 18, 28, 25,2415. Une alvéolyse généralisée touche l'ensemble de la denture. Aucune trace de traitement dentaire ou de restauration prothétique ne peut être visualisée.
Maxillaires de Ramsès II
Gros plan sur les maxillaires montrant l'état très délabré de la denture.
Radio. Du Pr. Clément FAURE
La détermination de l'âge par la méthode mise au point par Henri Lamendin donne comme âge du décès 80 ans à plus ou moins cinq ans.
les autres radiographies du corps de Ramsès II révèlent :
· la présence d'une fracture du rachis entre C6-C7 provoquée par la fermeture du couvercle du sarcophage sur le corps momifié
· la rupture probable de la coiffe de l'épaule droite, unilatérale et peut-être post-traumatique
· Une cypho-scoliose dorsale haute
· une perte de substance pariétale ovoïde se superposant à la crête iliaque gauche
· une néo-arthrose acromio-humérale supérieure droite
· - un athérome calcifié des artères iliaques, des fémorales et des artères des jambes,
· de nombreuses craquelures du revêtement cutané rigidifié par le processus de momification. Les nombreuses variations de température et d'humidité imposées au corps de Ramsès II depuis son démaillotage ont provoqué ces fissures très néfastes à la conservation de la momie.
· l'émasculation complète au ras du pubis
· 2 fractures au niveau des pieds: l'une pré-mortem au niveau de la première phalange du troisième orteil gauche présentant un cal de réparation et l'autre post-mortem sur la première phalange du deuxième orteil droit.
Conclusion
L'examen de la momie de Ramsès II montre que nous sommes en présence d'une personne d'environ 80 ans, souffrant de troubles habituels chez une personne de cet âge, troubles vasculaires (athérome), articulaires (spondylarthrite ankylosante) et dentaires (lésions infectieuses, caries et parodontites) qui durent affecter les vingt dernières années du règne du pharaon. Aucun traitement ne pouvait apaiser les maux entraînés par ces affections et aucune prothèse dentaire ne fut réalisée afin de palier l'absence des nombreuses dents perdues.
Affirmer que "Ramsès II ne fut certainement pas le premier homme à porter une prothèse mais sa momie est l'une des plus anciennes sur laquelle on a trouvé quelques dents artificielles reliées par des fils d'or" est donc faux et la diffusion de telles inepties dans des livrets publicitaires destinés au grand public est une offense à la rigueur scientifique.