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La vie sentimentale cachée de jeunes Françaises d’origine maghrébine
Dans certaines familles d’origine maghrébine, les jeunes femmes se retrouvent coincées entre les exigences de leurs parents et leurs propres désirs d’émancipation. Une contradiction qui les pousse à dissimuler leur vie sentimentale ou à risquer la rupture familiale.
Par Rahma Adjadj et Myriam Attia Publié le 25 septembre 2020
La discussion s’est nouée au MacDo autour d’une glace, par une chaude journée d’été dans leur petite ville désindustrialisée de Bourgogne. Après des années de silence, d’omissions et de mensonges, Nedjma* a finalement annoncé à son père qu’elle était en couple depuis cinq ans avec Nicolas et qu’ils aimeraient se marier. La jeune femme redoutait plus que tout sa réaction. Ce Marocain immigré en France dans les années 1990, employé de mairie, avait déjà fait part de son rêve à ses filles : qu’elles épousent un Marocain comme lui. Alors l’étudiante de 23 ans avait préparé son argumentaire pendant des mois, « tel un plan de dissert’ en trois parties », prête à déconstruire tous les préjugés de son père.
Mais même le fait que Nicolas se soit converti à l’islam avant sa rencontre avec Nedjma ne fut d’aucune aide. « Converti ou pas, quel chaos ! a rétorqué son père. Avec une mère marocaine et un père français, vos futurs enfants n’auront ni repères ni culture, ils deviendront fous. Et que vont dire les gens ? » La conclusion du patriarche, calme et laconique, résonne encore dans la tête de la jeune femme : « Je n’accepterai jamais que tu te maries avec un Français. » Depuis un an et demi, Nedjma n’a plus eu de contacts avec lui.
« Sans fatalisme ni tristesse », elle a « renoncé à changer » son père, « qui ne partage pas le même monde » que le sien. Future diplômée d’une grande école parisienne, elle a quitté sa Bourgogne natale pour se plonger dans les études, unique clé vers l’indépendance. Mais son choix à un coût : « Un jour, je sais que je me marierai sans mes parents. »
Éviter de se brouiller
Comme Nedjma, de nombreuses jeunes femmes françaises d’origine maghrébine sont en rupture familiale. Leur tort ? Être en couple avec des personnes d’une origine différente de la leur, avoir perdu leur virginité… Bref, s’affranchir du modèle qu’on souhaitait leur imposer. Pour éviter de se brouiller avec leurs proches, certaines préfèrent cacher leurs relations amoureuses et mener des vies clandestines.
À 20 ans, Inès* ment continuellement. « Quand je dors chez mon copain, je dis à ma mère que je vais chez une amie. Je me sens comme Dr. Jekyll et Mr. Hyde. » Cette étudiante en lettres est la fille d’une Française d’origine algéro-marocaine, manageuse dans un supermarché, et d’un père égyptien qui ne l’a pas élevée. Elle habite encore chez sa mère en Seine-et-Marne, dans un petit immeuble d’un « quartier populaire et mixte aux allures de cité endormie ».
Il vous reste 83.89% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
Dans certaines familles d’origine maghrébine, les jeunes femmes se retrouvent coincées entre les exigences de leurs parents et leurs propres désirs d’émancipation. Une contradiction qui les pousse à dissimuler leur vie sentimentale ou à risquer la rupture familiale.
Par Rahma Adjadj et Myriam Attia Publié le 25 septembre 2020
La discussion s’est nouée au MacDo autour d’une glace, par une chaude journée d’été dans leur petite ville désindustrialisée de Bourgogne. Après des années de silence, d’omissions et de mensonges, Nedjma* a finalement annoncé à son père qu’elle était en couple depuis cinq ans avec Nicolas et qu’ils aimeraient se marier. La jeune femme redoutait plus que tout sa réaction. Ce Marocain immigré en France dans les années 1990, employé de mairie, avait déjà fait part de son rêve à ses filles : qu’elles épousent un Marocain comme lui. Alors l’étudiante de 23 ans avait préparé son argumentaire pendant des mois, « tel un plan de dissert’ en trois parties », prête à déconstruire tous les préjugés de son père.
Mais même le fait que Nicolas se soit converti à l’islam avant sa rencontre avec Nedjma ne fut d’aucune aide. « Converti ou pas, quel chaos ! a rétorqué son père. Avec une mère marocaine et un père français, vos futurs enfants n’auront ni repères ni culture, ils deviendront fous. Et que vont dire les gens ? » La conclusion du patriarche, calme et laconique, résonne encore dans la tête de la jeune femme : « Je n’accepterai jamais que tu te maries avec un Français. » Depuis un an et demi, Nedjma n’a plus eu de contacts avec lui.
« Sans fatalisme ni tristesse », elle a « renoncé à changer » son père, « qui ne partage pas le même monde » que le sien. Future diplômée d’une grande école parisienne, elle a quitté sa Bourgogne natale pour se plonger dans les études, unique clé vers l’indépendance. Mais son choix à un coût : « Un jour, je sais que je me marierai sans mes parents. »
Éviter de se brouiller
Comme Nedjma, de nombreuses jeunes femmes françaises d’origine maghrébine sont en rupture familiale. Leur tort ? Être en couple avec des personnes d’une origine différente de la leur, avoir perdu leur virginité… Bref, s’affranchir du modèle qu’on souhaitait leur imposer. Pour éviter de se brouiller avec leurs proches, certaines préfèrent cacher leurs relations amoureuses et mener des vies clandestines.
À 20 ans, Inès* ment continuellement. « Quand je dors chez mon copain, je dis à ma mère que je vais chez une amie. Je me sens comme Dr. Jekyll et Mr. Hyde. » Cette étudiante en lettres est la fille d’une Française d’origine algéro-marocaine, manageuse dans un supermarché, et d’un père égyptien qui ne l’a pas élevée. Elle habite encore chez sa mère en Seine-et-Marne, dans un petit immeuble d’un « quartier populaire et mixte aux allures de cité endormie ».
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La vie sentimentale cachée de jeunes Françaises d’origine maghrébine
Dans certaines familles d’origine maghrébine, les jeunes femmes se retrouvent coincées entre les exigences de leurs parents et leurs propres désirs d’émancipation. Une contradiction qui les pousse à dissimuler leur vie sentimentale ou à risquer la rupture familiale.
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