Source : la maison de L'islam
La musulmane peut-elle voyager seule ?
Question :
Puis-je voyager pour me rendre en Syrie seule, sachant que je suis une musulmane et que je crois savoir que l’islam demande que la musulmane soit accompagnée par un de ses proches pour voyager.
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Réponse :
La question que vous posez est la question de savoir si la femme musulmane peut voyager seule ou s’il faut qu’elle soit accompagnée de son mari ou d’un mahram (proche parent avec qui elle ne peut jamais se marier) ?
Les ulémas sont unanimes à dire qu’en cas de nécessité absolue, la musulmane peut voyager seule. Ce cas de nécessité absolue est par exemple celui d’une femme qui a été faite prisonnière dans un pays ennemi et qui a réussi à s’échapper. A l’exemple de ces femmes musulmanes qui, à l’époque du Prophète (sur lui la paix), ont dû émigrer de La Mecque jusqu’à Médine.
Par contre, la question reste posée pour les cas autres que celui de la nécessité absolue. Et à ce sujet, il y a différents Hadîths…
D’un côté des Hadîths interdisent le fait que la musulmane voyage seule. Ensuite, certaines versions de ces Hadîths mentionnent une interdiction inconditionnelle, sans mention aucune d’une quelconque distance ; ces versions sont rapportées par al-Bukhârî et Muslim. Il y a de même un Hadîth qui dit : “Une femme ne doit accomplir le pèlerinage qu’en compagnie d’un mahram” (rapporté par Abû ‘Awâna, cité dans Fath ul-bârî, tome 4 p. 98). D’autres versions de ces Hadîths disent : “Il n’est pas permis à une femme qui croit en Dieu et au jour dernier de voyager la distance d’un jour et d’une nuit sans qu’elle soit accompagnée d’un mahram”. Dans d’autres versions, il y a “la distance de deux jours”, dans d’autres “la distance de trois nuits” (rapporté par Muslim).
D’un autre côté, il y a ce qu’a rapporté al-Bukhârî : Omar, durant son califat, a autorisé les veuves du Prophète (sur lui la paix) à accomplir le pèlerinage (et donc à voyager de Médine à La Mecque). Et il a dépêché, pour veiller à la bonne marche de leur voyage, Uthmân ibn ‘Affân et Abd ur-Rahmân ibn ‘Awf.
Enfin, il y a le Hadîth où le Prophète (sur lui la paix), répondant un jour à quelqu’un qui se plaignait de l’insécurité des chemins en Arabie, a parlé d’une époque qui viendrait où la musulmane voyagerait seule de al-Hîra [alors dans l'empire perse, actuellement en Iraq] jusqu’à La Mecque [en Arabie] (rapporté par al-Bukhârî et Ahmad).
Les avis des ulémas ont été divergents sur le sujet :
- Se fondant sur le premier groupe de Hadîths, plusieurs ulémas sont d’avis qu’il est interdit à la musulmane de voyager seule, quelle que soit la distance qu’elle a l’intention de parcourir. Il faut que son mari ou un proche parent l’accompagne.
- D’autres ulémas ont émis l’avis que la femme devait être accompagnée pour tout voyage devant couvrir la distance considérée comme “voyage” par certaines écoles juridiques (c’est-à-dire la distance de “48 miles shar’î” : quelques 77 kilomètres et des poussières), mais qu’elle pouvait voyager seule si la distance de son déplacement était moindre que ces “48 miles shar’î”. Cet avis est celui des savants hanafites.
- Se fondant sur le pèlerinage effectué par les veuves du Prophète, plusieurs ulémas de l’école shafi’ite sont d’avis que la musulmane peut voyager pour le pèlerinage sans être accompagnée d’un proche parent (mahram) mais au sein d’un groupe de femmes sérieuses et sures, ce groupe devant accomplir tout le voyage ensemble.
- Enfin, certains ulémas sont d’avis que le critère qui ressort du Hadîth parlant du voyage de la femme seule depuis al-Hîra jusqu’à La Mecque est la sécurité. Si les chemins d’une région sont sûrs, la musulmane peut voyager seule pour aller accomplir lepèlerinage. C’est seulement dans le cas contraire qu’elle doit impérativement être accompagnée de son mari ou d’un proche parent (mahram). Cet avis est attribué à Ibn Taymiyya par Ibn Muf’lih.
Ibn Muf’lih cite aussi l’avis de certains ulémas shafi’ites, selon qui le voyage commercial est aussi concerné par cette autorisation au cas où règne une parfaite sécurité (cf. Fatâwâ mu’âssira, al-Qardhâwî, 1/350-353).
Sources : Fath ul-bârî, Ibn Hajar, tome 4 p. 98 – Fatâwâ mu’âssira, al-Qardhâwî, tome 1 pp. 350-353.
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Conclusion :
J’ai préféré citer les différents avis existant quant à la question qui nous préoccupe plutôt que d’exprimer la justesse de tel avis sur tel autre. Ce que je rappellerai simplement c’est que l’idée directrice qui se trouve derrière ces règles données par le Prophète (sur lui la paix) et sur la base desquelles ces ulémas ont donné les avis que nous avons vus, n’est pas – comme certaines personnes le prétendent – que pour l’islam la femme est une perpétuelle mineure, ni quon ne peut pas lui faire confiance. L’idée dirigeant ces règles est la volonté de protéger la femme contre tout ce qui pourrait lui arriver pendant un voyage, loin des siens.
Je voudrais vous dire aussi qu’en dernier recours, au cas où le voyage serait nécessaire et qu’il n’y aurait aucune possibilité pour qu’un proche parent (mahram) soit présent avec vous, au moins que vous agissiez selon le troisième avis et qu’il y ait tout un groupe de musulmanes sures et sérieuses qui fassent tout le voyage ensemble. Quant au quatrième avis, certains savants contemporains comme al-Qardhâwî pensent qu’il est applicable. Ceux qui partagent cet avis doivent cependant, avant de pouvoir l’appliquer, étudier de façon sérieuse la situation du pays et de la région où le voyage va s’effectuer (afin de réaliser la tahqîq ul-manât) : y a-t-il vraiment sécurité générale ou non.
Wallâhu A’lam (Dieu sait mieux).