Pour la punir, le gouvernent algérien a décidé de geler toutes les transactions commerciales, à part celle, cruciale dans le contexte de guerre internationale, concernant le gaz. Le risque pour Alger est non seulement de perdre un allié précieux dans la région, mais de provoquer une crise générale avec l’ensemble de l’architecture européenne qui, par solidarité avec l’Espagne, voit d’un très mauvais oeil la démarche punitive algérienne.
C’est en prenant en considération ces éléments qu’il faut lire et décrypter l’enthousiasme des autorités algériennes face à la défaite de la coalition qui a porté Pedro Sanchez au pouvoir. Pour elle, l’hirondelle de cette défaite annonce forcément la grande reconfiguration politique du printemps si la droite espagnole prenait le pouvoir lors des élections législatives programmées pour le 23 juillet prochain. Pour Alger, l’espoir existe de voir la diplomatie espagnole menée par la droite revenir sur le grand tournant du rapprochement avec le Maroc.
Sans exprimer la moindre inquiétude face à cette évolution politique du voisin espagnol, les autorités marocaines sont convaincues que quels que soient les nouveaux maîtres de Madrid, il y a peu de chance qu’ils reviennent sur la décision structurante de la diplomatie espagnole de se rapprocher du Maroc et de tisser avec lui un partenariat stratégique à multiples dimensions.
Rabat avance l’idée, d’ailleurs pertinente, que le tournant espagnol sur le Maghreb ne s’est pas fait sur un coup de tête ou une humeur du moment comme certains médias algériens se plaisent à l’affirmer. Une telle décision lourde de conséquences pour l’ensemble du pays, a été mûrement réfléchie, patiemment pesée et évaluée avant qu’elle ne soit validée par le pouvoir politique. Une décision qui engage tout le spectre du pouvoir espagnol, ne pourra pas être effacée d’un trait de plume parce que le pays a changé de majorité gouvernante.
A l’appui de cette démonstration et cette certitude marocaine, le fait incontestable que les Espagnols, dans leur grande diversité politique, ont trouvé un intérêt vital pour leur économie et leur sécurité à élaborer cette alliance avec le Maroc et courir le risque de fâcher le voisin algérien.
Ce partenariat multiforme qui passe par un renforcement de la coopération économique qui a fait un énorme bond en avant, qui passe aussi par un partenariat migratoire qui a aidé les deux pays à gérer de manière intelligente et efficace aussi bien l’organisation de l’immigration légale que la lutte contre l’immigration irrégulière, un fardeau pour les deux pays et un enjeu commun pour leur sécurité.
Rabat et Madrid coopèrent étroitement aussi dans d’autres secteurs clés pour leur bien-être, la lutte contre les organisations terroristes, le grand banditisme, les réseaux de trafiques de drogue…autant de sujets sensibles qui ne peuvent être otages d’une humeur politique passagère.
Sans doute, si la droite arrive au pouvoir en Espagne, les mots et les attitudes peuvent changer et être perçus comme différents des discours de la gauche, mais le cœur du réacteur, à savoir le soutien total des autorités espagnoles au projet d’autonomie proposé par le Maroc pour mettre fin à cette discorde régionale, ne sera pas touché.
Les deux capitales, Rabat et Madrid semblent avoir entamé une séquence d’alliance stratégique qui ne connaît pas de revirement. Quelle que soit l’équipe au pouvoir, les petits ajustements pour permettre à l’axe Madrid-Alger de reprendre de la chaleur, sont sans aucun doute envisageables, mais la marche arrière pour se dédire sur une question aussi cruciale que le Sahara marocain semble impossible à imaginer.