@Aigleloyal
Pour partage
Comment choisit-on le titre d’un article de journal? Il y a deux cas de figure. Dans le premier cas, le journaliste relit lui-même son texte puis essaie de le résumer en quelques mots: ce sera le titre. Dans le second cas, c’est le rédacteur en chef qui fait ça.
Cependant, dans les deux situations, c’est souvent le subconscient qui parle, ce sont les obsessions du folliculaire (ou du rédac’ chef) qui apparaissent dans le titre, «à l’insu de son plein gré», comme disait un cycliste ennemi des belles-lettres.
Ainsi, quand le journal parisien
Le Monde traite, en première page, du tremblement de terre qui a frappé le Maroc, quel titre choisit-il? Comment résume-t-il cette catastrophe naturelle, ses causes, ses conséquences, la réaction admirable des Marocains, les files d’attente devant les centres de don du sang, la réactivité des plus hautes autorités, de l’armée et de la Protection civile, le dévouement des infirmiers et des médecins?
Voici, en caractères gras, sur plusieurs colonnes, en date du dimanche 10 septembre:
Amizmiz: «Personne, encore, n’est venu nous aider».
Notons qu’on trouve dans le corps du texte écrit par la journaliste (une certaine Aurélie) plusieurs titres possibles: «il est encore difficile d’évaluer les dégâts», «des villages isolés», etc. On y trouve aussi le neutre et informatif «Un fort tremblement de terre frappe le Maroc».
Mais non, ce serait trop facile! Il faut profiter de l’occasion pour taper sur le Maroc, comme le fait
Le Monde depuis des décennies (je mets au défi quiconque de trouver dans ce quotidien un seul article au ton positif sur notre pays depuis un demi-siècle).
«Personne n’est venu nous aider». C’est le titre de l’article.
Mais, bien sûr, Aurélie. C’est un scandale. Le Maroc n’est bon qu’à ça.
Le fait qu’il s’agisse d’une région montagneuse (vérifiez, puisque vous êtes sur place; et avez-vous remarqué que ça s’appelle le
Haut Atlas?), le fait que les routes et les chemins de montagne soient coupés par des éboulements de rochers (savez-vous qu’un violent tremblement de terre a frappé la région?), tout cela ne joue aucun rôle dans le retard des secours.
Vous avez tout compris, madame. Si personne n’est venu aider les sinistrés d’Amizmiz, c’est parce que les Marocains sont méchants, durs, indifférents au malheur de leurs compatriotes et surtout parce que l’État marocain est nul, incompétent, absent, etc. (Le mot «impéritie» n’est pas loin.) C’est bien cela que le choix, pas du tout innocent, de votre titre veut suggérer, n’est-ce pas?
Superman, Batman ou Wonderwoman seraient arrivé(e)s dans la minute qui a suivi le séisme. Alors pourquoi pas nous? C’est parce que nous sommes nuls, madame. Merci de nous mettre le nez dans notre pipi. Nous sommes rouges de honte. Confus, nous rampons à vos pieds.
Nous sommes nuls. Pourtant, on dit que… Entre mille exemples, la route d’Azaden a été bloquée de tout son long par d’énormes rochers et des équipes bénévoles d’une grande entreprise marocaine (OCP) ont travaillé toute la nuit avec une chargeuse de l’entreprise pour la déblayer afin que les secours puissent passer. Ça, c’est sans doute une
fake news, madame?
Nous sommes nuls. Pourtant, on dit que l’armée a mis immédiatement ses hélicoptères au service des sauveteurs qui ont pu ainsi accéder à des villages totalement isolés, à deux ou trois mille mètres d’altitude. Sans doute une affabulation, Aurélie? Vous avez eu raison de ne pas en piper mot.
Nous sommes nuls. Pourtant, on dit que tous les centres de don du sang ont été pris d’assaut par de simples citoyens désireux de participer à l’extraordinaire élan de solidarité qui a saisi le peuple marocain. Oui, mais c’était sans doute dans l’espoir d’avoir un petit verre de lait pour rétribution. N’est-ce pas, madame?
Le pire, c’est que vous ne voyez sans doute même pas où est le problème.
- Ben oui, quoi, caisse j’ai fait? Chuis objective, moi. Chuis une pro. Quelqu’un m’a dit, là-haut dans la montagne, que les secours n’étaient pas encore arrivés, j’l’ai répété. Fallait pas?
Si vous ne voyez pas la différence entre rapporter cette phrase dans le corps du texte et la choisir comme titre, c’est grave.