Tout ce qui se joue depuis un demi-siècle concourt à une sécularisation turbulente de l’islam

  • Initiateur de la discussion Initiateur de la discussion Xavier33
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Analyse intéressante sur l'évolution de l'islam depuis les indépendances.

qq extraits

Ce n’est qu’au sortir de la campagne d’Afghanistan que ces combattants vont se redéployer dans les pays d’origine et propager la violence armée à partir de groupuscules aguerris, constituant les ancêtres fondateurs d’Al-Qaida et de Daech. L’idéologie djihadiste se ressource théologiquement dans le hanbalo-wahhabisme, la doctrine de l’Etat saoudien, allié inconditionnel de l’Europe et des Etats-Unis. Si l’idéologie djihadiste se veut puritaine et révolutionnaire, elle ne conteste étrangement jamais le fondamentalisme du marché, la vulgate néolibérale, la rente de l’énergie fossile, la société matérialiste et la consommation infinie.
Il n’empêche qu’une sécularisation irréversible marquée par la politisation mais aussi par la marchandisation se poursuit en islam au travers d’une extension continue du profane au détriment du sacré. Finalement, que reste-t-il de sacré à La Mecque quand y est reproduit, à l’identique, l’urbanisme factice, kitsch et commercial de Las Vegas, cité du vice et du jeu ?



Paradoxalement, ce qu’on perçoit comme un retour du religieux est en réalité une sortie de l’islam. Cette « sortie » met en scène la religiosité dans la « mondanité » (au sens wébérien du terme), dans le règne de l’apparence et des signes ostentatoires : tel ce voile (hijab) qui ne signifie quasiment rien sur le plan théologique et symbolise tout l’islam au sein de la modernité occidentale, ce voile dont le port rend soudainement visible la femme musulmane – sujet de loi, de droit et de débat – et sans lequel elle reste invisible.
La sortie de l’islam essentialise l’accessoire (le paraître, l’habit, les normes) et accessoirise l’essentiel (l’articulation de la raison et de la foi). Elle témoigne d’un âge de la sécularisation, où, après avoir réinventé une tradition (spectre d’un passé glorifié et mythifié) et bricolé une théologie du repli dogmatique (réduite à des règles inopérantes ou caduques mais totalement orientée marché), on ne peut que constater le hiatus entre le régime discursif religieux et sa mise en acte.

 
Excellent article ! Finalement en voulant se démarquer du christianisme en rejetant le clergé et la déification du christ on a fait pire en créant une race de oulémas au coeur du pouvoir censée nous apprendre la religion ( ou servir les dynasties régnante ) ... et on a fini par pratiquement déifier un prophète en poussant la sacralisation de sa personne jusqu'au ridicule ! La sécularisation est inéluctable... et imminente. J espère que dans une génération ou deux les tarés qui prétendent détenir la vérité et se prennent pour la fine fleur de l humanité seront pris en charge par la psychiatrie :D sinon les illuminés intégristes de tout bords juifs évangéliste musulmans et leurs délires eschatologiques vont finir par précipiter une apocalypse biblique parce qu'ils ont hâte de rencontrer leur dieu psychopathe !
 
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J'aime beaucoup cette formule

La sortie de l’islam essentialise l’accessoire (le paraître, l’habit, les normes) et accessoirise l’essentiel (l’articulation de la raison et de la foi).

Faut lire le texte pour comprendre "la sortie de l'islam", au moins le passage qui précède la citation
 
J'aime beaucoup cette formule

La sortie de l’islam essentialise l’accessoire (le paraître, l’habit, les normes) et accessoirise l’essentiel (l’articulation de la raison et de la foi).

Faut lire le texte pour comprendre "la sortie de l'islam", au moins le passage qui précède la citation
Pareil j ai trouvé la formule particulièrement brillante !
 
autre passage intéressant

Politisation de la religion

Les faits historiques montrent que cette politisation de la religion émergea dans le contexte idéologique de la guerre froide et de la décolonisation des pays du sud. L’islamisme fut non seulement encouragé mais largement appuyé géopolitiquement et même logistiquement par les puissances occidentales, Etats-Unis en tête, qui y ont vu un moyen de contrer l’influence de l’empire soviétique régnant sur le vaste espace afro-asiatique.

Sans cet appui, l’islamisme n’aurait pu émerger, dès les années 1970, dans des pays qui étaient sous l’ère d’influence de l’URSS (telle l’Egypte de Sadate). Il s’agissait de favoriser une offre politique religieusement inspirée et ressourcée par les pétromonarchies pour contrecarrer l’impact subversif des socialistes et des communistes. Les Frères musulmans ont été considérés à cette époque pour leurs affinités électives avec les valeurs de l’économie libérale et, dans cette perspective, furent des alliés objectifs dans la lutte idéologique du «monde libre ».

L’archéologie de l’islamisme montre qu’il est géopolitiquement indissociable de l’Occident. On peut en outre constater la même situation à l’égard du salafisme djihadiste, cette idéologie radicale et martiale ayant vu le jour en Afghanistan dans les années 1980, lors de la guerre contre l’occupation soviétique, où toute une internationale de combattants musulmans sunnites s’est mise en place avec l’appui massif de l’Arabie saoudite et des Etats-Unis – plus précisément de son agence de renseignement, la CIA.

Ce n’est qu’au sortir de la campagne d’Afghanistan que ces combattants vont se redéployer dans les pays d’origine et propager la violence armée à partir de groupuscules aguerris, constituant les ancêtres fondateurs d’Al-Qaida et de Daech. L’idéologie djihadiste se ressource théologiquement dans le hanbalo-wahhabisme, la doctrine de l’Etat saoudien, allié inconditionnel de l’Europe et des Etats-Unis. Si l’idéologie djihadiste se veut puritaine et révolutionnaire, elle ne conteste étrangement jamais le fondamentalisme du marché, la vulgate néolibérale, la rente de l’énergie fossile, la société matérialiste et la consommation infinie
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Analyse intéressante sur l'évolution de l'islam depuis les indépendances.

qq extraits

Ce n’est qu’au sortir de la campagne d’Afghanistan que ces combattants vont se redéployer dans les pays d’origine et propager la violence armée à partir de groupuscules aguerris, constituant les ancêtres fondateurs d’Al-Qaida et de Daech. L’idéologie djihadiste se ressource théologiquement dans le hanbalo-wahhabisme, la doctrine de l’Etat saoudien, allié inconditionnel de l’Europe et des Etats-Unis. Si l’idéologie djihadiste se veut puritaine et révolutionnaire, elle ne conteste étrangement jamais le fondamentalisme du marché, la vulgate néolibérale, la rente de l’énergie fossile, la société matérialiste et la consommation infinie.
Il n’empêche qu’une sécularisation irréversible marquée par la politisation mais aussi par la marchandisation se poursuit en islam au travers d’une extension continue du profane au détriment du sacré. Finalement, que reste-t-il de sacré à La Mecque quand y est reproduit, à l’identique, l’urbanisme factice, kitsch et commercial de Las Vegas, cité du vice et du jeu ?



Paradoxalement, ce qu’on perçoit comme un retour du religieux est en réalité une sortie de l’islam. Cette « sortie » met en scène la religiosité dans la « mondanité » (au sens wébérien du terme), dans le règne de l’apparence et des signes ostentatoires : tel ce voile (hijab) qui ne signifie quasiment rien sur le plan théologique et symbolise tout l’islam au sein de la modernité occidentale, ce voile dont le port rend soudainement visible la femme musulmane – sujet de loi, de droit et de débat – et sans lequel elle reste invisible.
La sortie de l’islam essentialise l’accessoire (le paraître, l’habit, les normes) et accessoirise l’essentiel (l’articulation de la raison et de la foi). Elle témoigne d’un âge de la sécularisation, où, après avoir réinventé une tradition (spectre d’un passé glorifié et mythifié) et bricolé une théologie du repli dogmatique (réduite à des règles inopérantes ou caduques mais totalement orientée marché), on ne peut que constater le hiatus entre le régime discursif religieux et sa mise en acte.

J'admets que pour la Mecque par exemple il y a même un Mac Do proche de la Kaaba ce qui m'a écoeuré lorsque j'y étais pour faire ma Omra.
 
Retour historique sur les origine de l'islamisme. (même auteur)

S’il est tentant de croire que l’islam est rétif à la sécularisation, à la séparation de la religion et de l’Etat, tout ce qui se joue empiriquement depuis plus d’un demi-siècle concourt en réalité à une sécularisation accélérée et turbulente de l’islam. Durant la phase historique cruciale des indépendances politiques (1950-1960), la plupart des pays du monde musulman vivaient en régime strictement laïc, de l’Egypte nassérienne à l’Irak et à la Syrie baathistes, en passant par l’Algérie du FLN – sans oublier la Turquie kémaliste et le Pakistan de Jinnah.

Ben Barka, Ben Bella, Modibo Keïta, Soekarno et autres leaders nationalistes d’Afrique-Asie s’inscrivaient dans l’internationale des pays non alignés : l’usage de la religion en politique était hors sujet ou considéré comme réactionnaire. Il reste des traces de cette sécularisation dans certains pays du Sahel (notamment au Sénégal, au Mali et au Tchad) avec l’inscription jusqu’à présent dans la Constitution du caractère « laïc » de l’Etat. L’islam contemporain se vit très majoritairement en régime républicain plutôt que sous le règne monarchique. C’est là un signe manifeste de son caractère égalitaire et séculier.

On désigne habituellement l’islamisme – l’islam politique ressourcé idéologiquement dans le mouvement des Frères musulmans créé en Egypte en 1929 – comme le principal ennemi et le plus grand danger de la démocratie, de la laïcité et du pluralisme. Or, dans la seconde moitié du XXe siècle, l’instrumentalisation de la religion à des fins politiques a été le fait d’Etats séculiers occidentaux et de pétromonarchies arabes
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Politisation de la religion

Les faits historiques montrent que cette politisation de la religion émergea dans le contexte idéologique de la guerre froide et de la décolonisation des pays du sud. L’islamisme fut non seulement encouragé mais largement appuyé géopolitiquement et même logistiquement par les puissances occidentales, Etats-Unis en tête, qui y ont vu un moyen de contrer l’influence de l’empire soviétique régnant sur le vaste espace afro-asiatique.

Sans cet appui, l’islamisme n’aurait pu émerger, dès les années 1970, dans des pays qui étaient sous l’ère d’influence de l’URSS (telle l’Egypte de Sadate). Il s’agissait de favoriser une offre politique religieusement inspirée et ressourcée par les pétromonarchies pour contrecarrer l’impact subversif des socialistes et des communistes. Les Frères musulmans ont été considérés à cette époque pour leurs affinités électives avec les valeurs de l’économie libérale et, dans cette perspective, furent des alliés objectifs dans la lutte idéologique du «monde libre ».
L’archéologie de l’islamisme montre qu’il est géopolitiquement indissociable de l’Occident. On peut en outre constater la même situation à l’égard du salafisme djihadiste, cette idéologie radicale et martiale ayant vu le jour en Afghanistan dans les années 1980, lors de la guerre contre l’occupation soviétique, où toute une internationale de combattants musulmans sunnites s’est mise en place avec l’appui massif de l’Arabie saoudite et des Etats-Unis – plus précisément de son agence de renseignement, la CIA.
 
-lislam-est-il-sécularisable-.jpg
Edition : La Croisée Des Chemins.

Résumé :

Le mélange du politique et du religieux dans le monde musulman est devenu sérieusement problématique. Le mélange n’est pas questionné dans sa légitimité ou, surtout, fragilisé dans ses prétentions idéologiques, mais seulement dans l’actualisation de ses conséquences. Comme toute autre expérience religieuse, l’expérience institutionnelle et culturelle de l’islam n’est pas épargnée et n’est pas épargnable par la sécularisation comme processus sociologique ou comme perspective intellectuelle et idéologique.

La réflexion qui anime les textes rassemblés dans ce livre fait de la sécularisation une dynamique interne à la réalité historique et culturelle de l’islam. Elle fait dépendre la sécularisation à la fois des limites sociologiques de la vocation de la religion à régir la société et son organisation politique et des perspectives idéologiques et intellectuelles d’une sortie du théologico-politique.
 
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