Le fait même que tu parles du Coran comme livre de Dieu
prouve irréfutablement que ce que tu dis n'est pas une démonstration
Professeur à l'université St Thomas, Canada
Les références coraniques à l’atmosphère sont nombreuses, et s’accompagnent souvent de rappels des signes de la sollicitude de Dieu envers les hommes. Ainsi, dans la sourate Al Anbiyaa, Dieu dit : «Et Nous avons fait du ciel (alssamaa) un toit protégé. Et cependant ils se détournent de ses merveilles» (Coran, 21. 32). On sait que le substantif samaa signifie en arabe, non pas uniquement ciel, mais encore tout ce qui est placé à une certaine hauteur par rapport à nous, d’où le verbe samaa, se hisser, se lever, au sens propre comme au figuré. La même idée de protection apparaît, parallèlement à la notion d’une altitude relativement proche du niveau de sol en tant que ciel, dans la sourate Fussilat : «Et Nous avons décoré le ciel le plus proche de la terre(alssamaa alddunya) de luminaires et l’avons pourvu d’une protection» (Coran, 41. 12).
Or, à l’époque de l’apparition de l’Islam, la notion de la protection de la terre par le ciel au sens que nous venons de définir, donc par son atmosphère, non seulement paraissait comme une nouveauté, mais comme un défi lancé aux plus fermes convictions quant à la forme et à la matière du ciel. On ne fera pas grand cas ici des conceptions mythologiques sur une Olympe où régnaient des divinités dont la débauche et le ridicule allaient fournir aux premiers Pères de l’Église naissante de solides armes dans leur polémique contre le paganisme gréco-romain : les esprits graves, qui n’ignoraient pas la critique de l'anthropomorphisme par Xénophane, Aristote, Théophraste et Arcésilas, savaient bien qu’il ne fallait pas prendre au sérieux ces tissus de mensonges poétiques. De même, Platon, s’autorisant des mauvais effets de ces derniers sur les mœurs et l’imagination, avait d’ailleurs décidé d’exclure les poètes de sa République idéale. L’on se fiait plutôt aux doctrines des physiciens grecs, nommés plus tard philosophes : le ciel était alors une voûte solide placée à peine plus haut que les chaînes du Cithéron ou du Parnès en Attique. Cette conception fit longtemps craindre la chute du ciel sur la terre, jusqu’au moment où Anaximandre, disciple du célèbre Thalès, qui faisait flotter la terre sur les Eaux, posa, vers 570 avant J. -C., la sphéricité du ciel : la terre, placée au centre de la sphère du ciel, restait désormais immobile sans s’appuyer sur aucun support. Cette idée fut reprise et développée par les Pythagoriciens, et peu plus tard par Platon et Aristote, qui, tous, multiplieront les sphères autour de la terre non seulement pour faire ressortir la perfection numérique, suivant la tradition pythagoricienne, de l’architecture céleste, mais pour mieux opposer cette même perfection à l’imperfection terrestre, séparer définitivement le ciel de la terre et, du coup, arracher la crainte de la chute de ce qui avait paru comme une voûte solide. De fait, à partir à peu près de 340 avant J.-C., c’est la conception d’Aristote qui dominera sans partage en matière astronomique et ce, jusqu’à la Renaissance : auteur justement du premier traité connu de météorologie (Les Météorologiques), il posera, dans ses traités Du ciel et De la génération et de la corruption, l’immobilité de la terre au centre du monde, niera l’existence du vide et réaffirmera l’unicité et la sphéricité du ciel. Aussi sa cosmologie fondera-t-elle l'assise même du système géocentrique de Ptolémée, qui restera en vigueur jusqu’au triomphe des idées de Copernic.
Dans ce contexte intellectuel, très sommairement schématisé, la révélation coranique vient affirmer non seulement le rôle protecteur de l’atmosphère, mais la division de celle-ci en sept couches, ainsi que le montre ce verset, qui emploie le substantif pluriel taraiqa, couches : «Nous avons créé, au-dessus de vous, sept cieux(taraiqa) [...]» (Coran, 23. 17). Certaines sourates rappellent la même division en employant le substantif samaa au pluriel : «C' est Lui qui a créé pour vous tout ce qui est sur la terre, puis Il a orienté Sa volonté vers le ciel et en fit sept cieux(samawatin). Et Il est Omniscient» (Coran, 2. 29) ; «Dieu qui a créé sept cieux (samawatin) et autant de terres [...]» (Coran, 65. 12). Mais d’autres précisent de surcroît la structure superposée des couches et parlent d’un rôle assigné à chacune d’entre elles dès le moment même de leur création à partir de la masse nébuleuse protosolaire : «Il S'est ensuite adressé au ciel qui était alors fumée et lui dit, ainsi qu'à la terre : “Venez tous deux, bon gré, mal gré”. Tous deux dirent : “Nous venons obéissants”. Il décréta d'en faire sept cieux (samawatin) en deux jours et révéla à chaque ciel sa fonction [...]» (Coran, 41.11-12). «Celui qui a créé sept cieux (samawatin) superposés sans que tu voies de disproportion en la création du Tout Miséricordieux [...]» (Coran, 67. 3). «N' avez- vous pas vu comment Dieu a créé sept cieux (samawatin) superposés» (Coran, 71. 15). Donc, l’atmosphère, pour le Coran, est un toit qui protège ; elle est divisée en sept souches, qui sont investies d’un certain nombre de fonctions. Pour comprendre ces attributions et divisions, il faut, bien entendu, dire un mot sur la composition de l’atmosphère. Cette dernière est en effet une enveloppe essentiellement gazeuse qui entoure le globe terrestre. Elle est constituée de 78 % d’azote (N2), 21 % d’oxygène (O2) et 1 % de gaz comme l'ozone (O3), qui est une forme triatomique de l'oxygène, l’argon (Ar), qui est un gaz inerte, et d’autres gaz à l'état de traces, comportant notamment du dioxyde de carbone (CO2) et de la vapeur d'eau. L’ensemble des molécules qui constituent ces gaz est soumis à deux forces : celle de leur vitesse d’environ 500 m/s, qui les porte vers l’espace et celle de l’attraction terrestre, qui les ramène vers le globe. Sans entrer ici dans ce qu’il est convenu d’appeler les variables atmosphériques, dont le vecteur vent, le champ de pression, la masse volumique des particules, la concentration de celles-ci en vapeur d’eau, leur champ magnétique ou leur champ de température, autant de facteurs qui affectent l’état physique des particules atmosphériques, l’on peut observer que la moitié de la masse de l’atmosphère se situe au-dessous de 5 500m, les 2/3 au-dessous de 8 400 m, et qu’il faut s’élever à une altitude de 31 000m environ pour atteindre 99% de la masse atmosphérique. Ainsi, les 9/10 de cette masse, dont la hauteur limite se situe pourtant à près de 1000 Km constituent une pellicule de 13 à 16 Km d’épaisseur à l’équateur et de 7 à 8 Km aux pôles: cette masse prend ainsi la forme d’une sphère aplatie, tout comme la terre, dont la forme ellipsoïdale semble être attestée par le verbe dahaha, étendre ou encore donner une forme ovale, dans le verset 30 de la sourate 79 : «Et la terre, après cela, Il l'a étendue(dahaha)».(a suivre)