A Tal Brak, les hommes de l’EI ont «fui comme des souris»
Même morts, les jihadistes de l’Etat islamique (EI) stupéfient Hajar. Il ne peut s’empêcher de regarder les photos de leurs cadavres sur son téléphone mobile. Il les a prises le 1er mars, après la bataille de Tal Brak, un village du Kurdistan syrien perdu au milieu des champs de coton et de houblon. Les clichés défilent ; il s’attarde sur l’un, zoome sur un autre, revient en arrière.«Celui-là, c’est un Turc qui s’était accroché un Coran autour du cou. Et les deux, là, c’étaient des Pakistanais. Ils étaient habillés tout en noir, même leurs sous-vêtements étaient noirs.» Il ne s’en rend pas compte mais il s’est mis à crier. «Oui, je suis furieux. Même leurs cadavres me dégoûtent.»
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Hajar est un combattant kurde de 39 ans, râblé et nerveux. Dans son autre vie, avant la guerre, il réparait des vélos à Kameshli, principale ville kurde du canton de Djézireh, aux frontières de la Turquie et de l’Irak. Il y a deux ans, lorsque les jihadistes se sont emparés de villages de sa région, il s’est porté volontaire au sein des Unités de protection du peuple (YPG), une émanation du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) turc. Depuis la mi-février, il participe à l’offensive lancée par les Kurdes contre l’Etat islamique dans le canton.
Flaque. Le 28 février, il était de l’assaut sur Tal Brak. Les jihadistes occupaient la bourgade depuis un an. Ils avaient accroché leurs pancartes sur des poteaux électriques de la petite place centrale. Elles y sont toujours : «Nous nous battons en Syrie et en Irak, mais nos regards sont tournés vers l’Andalousie» ; «Un califat pour Dieu vaut mieux qu’une démocratie pour l’Occident». Le terre-plein servait aux décapitations ; les jihadistes veillaient à laisser les corps pourrir trois jours avant de les évacuer. Les habitants n’avaient pas le droit de quitter le village, même pour travailler. Les hommes qui laissaient leur femme sortir sans niqab étaient punis de quatre jours de prison. Les enfants n’allaient plus à l’école. L’ordre de l’Etat islamique paraissait aussi solide que sauvage : il s’est écroulé en moins de quarante-huit heures. «On dit toujours que les combattants de Daech [acronyme arabe de l’EI, ndlr] sont redoutables. Mais ici, ils ont fui comme des souris»,dit Rojine, une commandante aussi petite que musclée.
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