Du nationalisme à l’assimilationnisme
L’étude politique de l’histoire de l’immigration met en évidence les différentes postures qui furent adoptées par les populations immigrées en lutte pour leur émancipation. Un discours anti-assimilationniste axé sur la défense de la personnalité culturelle niée par le colonialisme fut une constante dans le combat des peuples colonisés par la France pour l’indépendance. Le cas algérien est des plus significatifs, les premiers militants de l’Etoile Nord Africaine, puis du PPA et des Oulémas, en passant par la Fédération de France du FLN, revalorisèrent un capital historique (1) reposant sur l’Islam et l’arabité, valeurs qui constituèrent le socle du nationalisme algérien.
La rupture avec cette posture axée sur l’affirmation des valeurs organiques devait intervenir dans les années 80, avec la marche pour l’égalité qui posa les jalons d’un discours assimilationniste qui ne cessa de prendre de l’ampleur, et dont la principale caractéristique fut d’évacuer au profit d’une égalité citoyenne improbable, la personnalité culturelle des populations issues de l’immigration maghrébine. Ce discours assimilationniste postulait de l’inexistence d’un passif historique battant à l’unisson avec les valeurs du Maghreb Islamique, les seules références possibles et autorisées à la sphère civilisationnelle originelle et aux mouvements nationalistes n’accordaient le primat qu’à une lecture matérialiste et désincarné du combat pour l’indépendance. Ainsi, comme l’écrit le sociologue Ahmed Boubekeur, cette génération fut contrainte « de sacrifier jusqu’à la mémoire récente de leur lutte » (2).
Le discours assimilationniste et cette soif de reconnaissance dans la francité devint le fond idéologique sur lequel se fit l’essentiel des revendications politiques émanant des Français musulmans issus de l’immigration maghrébine dans les années 90 et 2000, capitalisant ainsi l’héritage politique de la génération beur de la décennie précédente, dont ils étaient désormais les héritiers. La montée en puissance des associations musulmanes, conjuguée à cette quête d’islamité consacrèrent de nouveaux acteurs sur la scène politique « beur » qui insufflèrent une nouvelle dynamique à la rhétorique assimilationniste, tout en répondant aux angoisses métaphysiques de cette génération qui fut confrontée à la réactualisation constante d’une logique coloniale et à une injonction toujours plus forte au national-républicanisme de l’Etat français..................
Voile et assimilation : colonisabilité dans le discours des Français musulmans