Mission accomplie, Messenger va s'écraser sur Mercure
Vendredi, Mercure aura un nouveau cratère : la sonde Messenger, à court de carburant, va s'écraser sur la planète après un périple de 7,9 milliards de kilomètres en plus de dix ans.
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Jusqu'à une dizaine d'années en arrière, Mercure, malgré le fait qu'elle soit l'une des plus proches voisines de la Terre, était une planète très peu connue. L'observer depuis le sol est en effet difficile, du fait de la proximité du Soleil. Quand aux missions spatiales, seule Mariner 10, l'avait survolée en 1974, et n'avait photographié que 45% de sa surface.
Mercure, planète de contrastes
On savait certes qu'il s'agit de la plus petite planète du système solaire (en mettant de côté la nouvelle catégorie des "planètes naines"), qu'elle ressemble beaucoup à notre Lune, avec sa surface criblée de cratères. On connaissait aussi, bien sûr, son orbite, relativement excentrique, qui va de 47 à 70 millions de kilomètres du Soleil, soit en moyenne 40% de la distance Terre-Soleil. Ou encore que le jour mercurien fait les deux tiers de son année : un cycle jour-nuit sur cette planète dure 59 de nos jours terrestres, alors qu'elle accomplit une révolution autour du Soleil en 88 jours. Mercure est également une planète de contrastes : le jour, les températures peuvent atteindre les 430 degrés, alors que la nuit elles descendent à -180.
Première image prise par Messenger après son entrée en orbite de Mercure, en 2011 (NASA/Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory/Carnegie Institution of Washington)
Depuis Mariner 10, la Nasa ne s'était pas beaucoup préoccupée de Mercure. Jusqu'au lancement de Messenger en 2004. Ce petit cube, dont le nom, selon la coutume de l'agence spatiale américaine, est un acronyme (pour MErcury Surface, Space ENvironment, GEochemistry and Ranging), a effectué un voyage impressionnant de 7,9 milliards de kilomètres avant d'atteindre sa cible, effectuant 15 fois le tour du Soleil, passant deux fois près de Vénus, trois fois près de Mercure et repassant même une fois près de la Terre avant de finalement se stabiliser autour de Mercure le 18 mars 2011... sept ans après son lancement ! Messenger devenait ainsi le premier engin spatial à se mettre en orbite autour de Mercure.
Les découvertes de Messenger
Durant son périple, et les trois ans qu'elle a passés en orbite de Mercure, Messenger a collecté un nombre incroyable de données. Elle a pris des photos de sa surface, en haute résolution et sous toutes les coutures. La moisson de renseignements récoltée va sans doute tenir des équipes scientifiques occupées pendant encore quelques bonnes années. Lorsqu'on interroge les responsables de la mission sur les principaux acquis de Messenger, ils ont d'ailleurs du mal à choisir.
De l'eau glacée
L'une des principales découvertes a été la mise en évidence d'eau glacée à la surface de la planète. Cela peut sembler surprenant, étant donné la proximité du Soleil et les températures diurnes, mais il y a cependant, près des pôles, des cratères ombragés où d'épaisses couches de glace peuvent subsister. Cela apporte d'ailleurs des éléments allant dans le sens des théories qui expliquent comment l'eau (et aussi les composés organiques) ont pu être amenés vers les planètes intérieures par des comètes et certains astéroïdes.
Une activité géologique récente
La sonde a également pu étudier les courants électriques qui circulent dans la planète, son champ magnétique, son histoire volcanique... jusqu'à trouver une configuration de terrain assez particulière (baptisée "hollows", cuvettes), et qui mettrait en évidence l'existence d'une activité géologique récente à la surface de Mercure.
Selon les données enregistrées, la planète pourrait également avoir un coeur ferreux au moins partiellement liquide.
Pas d'atmosphère, mais une fine "exosphère"
La mission de Messenger aurait dû se terminer après une année en orbite, mais elle a finalement été prolongée de trois ans, au vu des résultats encourageants. Durant ces dernières semaines, la sonde a effectué des survols à très basse altitude, ce qui n'avait jamais été tenté auparavant.
Cela a permis d'obtenir des images à haute résolution, d'étudier de près le champ magnétique mercurien, ainsi que l'exosphère de la planète : si elle n'a pas d'atmosphère, Mercure possède une fine "exosphère" : il s'agit de molécules (oxygène, hydrogène, hélium, sodium et potassium principalement) qui sont éjectées en permanence de sa surface par la force du vent solaire et des impacts de micro-météorites. Messenger a même pu détecter de l'eau dans cette exosphère.
Le choc du 30 avril... ou du 1er mai
Mais toutes les bonnes choses ont une fin. Aujourd'hui, il n'est plus question de prolonger la mission, et pour une fois, ce n'est pas une question de budget, les 446 millions de dollars dépensés ont été bien utilisés. Mais Messenger est tout simplement... à court de carburant.
A son départ de la Terre, celui-ci représentait 55% du poids de la sonde, mais au bout de dix ans, il ne restait plus que quelques vapeurs, et encore ! Pour les dernières manoeuvres de correction de trajectoire, c'est de l'hélium servant originellement à pressuriser le carburant de la sonde qui a été utilisé. Cet hélium a été expulsé pour la dernière fois le 24 avril, pour faire passer Messenger de 8km à 19km d'altitude, lui accordant un ultime sursis.
Cette fois, c'est bien fini. La dernière orbite de Messenger va s'effectuer à une altitude de 550 à 275 mètres : si elle passait au-dessus de Paris, la sonde pourrait toucher le 3ème étage de la tour Eiffel.
Sa collision avec la surface s'effectuera à une vitesse de 3,91 kilomètres/seconde, et l'énergie dégagée par l'impact sera équivalente à celle d'une tonne de TNT, soit 50 fois la bombe de Nagasaki. Le résultat sera un nouveau cratère à la surface de Mercure, tout petit, à peine 16 mètres de diamètre. On ne pourra cependant pas observer l'impact de la Terre.
Messenger peut encore nous surprendre un peu, avec un ultime suspense. En effet, si le choc final est annoncé par les ingénieurs de la Nasa entre 21h25 et 21h30 ce 30 avril (heure française), il y a encore une très petite chance pour que la sonde effectue encore un tour de piste, ce qui décalerait le choc de huit heures, mais n'empêcherait pas la fin en apothéose de cette longue mission.
Le blog de Jean-Paul Fritz sur le site de "l'Obs" : Chroniques de l'Espace-Temps
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