Un matin brumeux, quelque part entre l’heure du croissant et celle du café tiède, la France se réveilla… allégée. Étrangement allégée.
Dans les rues de Marseille, aucun parfum de menthe ni éclat de voix gutturale. À Barbès, les rideaux de fer restaient clos. Pas un beignet, pas un appel à la prière, pas même un kebab qui tourne. Le silence flottait, grave et presque religieux.
À la radio, les bulletins annonçaient, le ton tremblant :
« Ce matin, la France s’est réveillée sans… musulmans. »
Ni Arabes, ni Maghrébins, ni même un prénom suspect à la consonance orientale. Tous envolés. Disparus, comme par miracle ou par malédiction. Certains osaient même dire : « Comme si Allah avait rappelé ses enfants. »
À l’Élysée, on n’avait pas encore réalisé. Mais du côté de la droite radicale, ce fut la panique. Marine convoqua son état-major en urgence. Zemmour resta figé, le regard vide, une main crispée sur un Coran qu’il ne pourrait plus agiter à l’antenne.
« Comment ça, plus de musulmans ? Mais… que va-t-on dire aux électeurs ? »
« Et nos conférences sur l’islamisation ? Nos débats sur le voile ? Sur la laïcité en danger ? »
« On va devoir… parler du chômage ? Des hôpitaux ? Des salaires ?! » s’écria un député, livide.
Dans les médias, le choc fut total. CNews tourna en boucle des images de boucheries halal abandonnées. BFMTV programma en urgence un débat : *****… de quoi allons-nous parler ?
« La France sans musulmans : est-ce encore la France ? »
Pendant ce temps-là, les vrais problèmes – ceux qu’on cache d’ordinaire sous le tapis des polémiques – commencèrent à remonter. Il fallait parler des retraites, du coût de la vie, de l’éducation en ruine. Certains éditorialistes, déboussolés, proposèrent même de s’en prendre aux Bretons, « pour la diversité des tensions ».
Les Français commencèrent à ouvrir les yeux. Les hôpitaux débordaient, les urgences étouffaient sous le poids du silence et du manque faute de médecins musulmans . Sur les routes, plus un seul camion en marche : la logistique était à l’arrêt. Les usines paralysées et les rayons des magasins se vidaient, non par frénésie d’achat, mais faute d’approvisionnement.
Les rues, naguère animées, se couvraient de crasse ; les bureaux sentaient l’abandon ; les administrations perdaient leur lustre — car plus aucune main discrète, plus aucun geste effacé, ne venait balayer les traces de leur indifférence.
Le pays découvrait, stupéfait, que l’invisible était en réalité le pilier.
Mais le cœur n’y était plus.
Le peuple, lui, commença à s’inquiéter. Plus de couscous chez la voisine, plus de pharmacien à 22h, plus d’ambulancier toujours prêt, plus d’ouvrier à l’aube. Même les taxis étaient à l’arrêt.
On murmura que sans les Arabes, la France était devenue… fade.
Et c’est ainsi qu’après trois jours de vertige identitaire, une voix s’éleva à l’Assemblée :
« Il faut organiser le retour des musulmans ! »
Le décret fut voté à l’unanimité. On appela cela le Plan de Réintégration Spirituelle et Culinairo-Économique.
Et dans un frémissement étrange, la France comprit qu’elle venait peut-être de rêver, mais que ce rêve – ou ce cauchemar – disait une chose :
sans ceux qu’elle prétendait redouter, elle ne savait plus être.