MON MaroC.
--------------------------------------------------------------------------------
Je suis né dans une famille où on me disait pour m'inciter à être sage: si tu fais des bêtises, tu n'iras pas au Maroc cet été.
J'ai passé mon enfance en France où mon quotidien était aussi médiocre (dans les yeux d'un enfant; maintenant, je vois les choses autrement) que celui de mes camarades: réveils forcés de bonne-heure, école, devoirs et dodo. Peu de contacts sociaux, et quand ils existaient, ils étaient empreints de la brutalité propre aux Francais (j'ai vécu dans des pays où les rapports entre individus sont plus "doux").
Le Maroc était pour moi synonyme de vacances: la plage, l'exaltation de la route, du voyage ("on the road"), les autres enfants, mes cousins, les gâteries de mes oncles et tantes, etc. En plus de cela une amitié profonde avec un ami d'enfance.
Bref, le Maroc, ce n'était pas tant un lieu "géographique" qu'un "MOMENT DE L'ANNÉE"... Le seul moment où je me SENTAIS VIVRE. La France me permettais de vivre... et le Maroc de me sentir vivre...
Je le vivais aussi comme un lieu profondemment "carnavalesque", c'est-à-dire où les normes que je devais respecter en France étaient inversées, subverties.
Au début de mon adolescence, j'ai aussi vu dans la frontière hispano-marocaine une "parenthèse", un bouclier contre le mépris de la société qui m'hébergeait (à travers les sarcasmes de mes camarades de collèges lorsque je leur disais que j'avais longtemps dormi par terre et que ma grand-mère se reposait sur une peau de mouton, etc.).
Oui, le Maroc était pour moi un lieu de défoulement; mais parce que l'on m'a inculqué des valeurs morales et parce qu'il me restait un peu de fierté (ce qui n'est plus le cas de bien des enfants de l'exil, qui ont totalement intégré le mépris qui est projeté sur eux) je ne me serais jamais permis, emporté par ce sentiment d'exaltation propre au pays de mes parents, de faire le moindre geste qui risquerait de "violer" ce pays, cette société... de violer mon "rêve", l' "utopie" que mon imagination, poussée par les circonstances avait construite.
Pour moi, l'année atteignait son "climax", non pas entre décembre et janvier comme pour mes camarades de classe qui recevaient alors des cadeaux et de l'argent, mais au mois d'Août.
Le mois où la réalité semblait plus réelle, les hommes plus humains, le soleil plus brûlant.
Juin-Juillet étaient remplis d'exitation tandis que septembre n'était que mélancolie.
Ah Septembre! je détestais ce mois! le mois où les souvenirs s'effacent petit-à-petit... Je dirais même que c'était le mois des ruines... le mois des vestiges, au sens pré-islamique: Al Atlal...
C'était le mois où je me rattachais à n'importe quoi pour faire ressurgir le pays où je me sentais vivre... c'était le mois du développement des photos, des séances "essayages" (gandoura), du rangement des cadeaux, etc.
Un mois brutal: le froid du ciel et des coeurs. L'impossibilité de "crâner" devant les copains (j'avais passé des vacances à la maison! pas à escalader des parois ou à descendre des ravins dans les Alpes, etc.).
Ce n'est que plus tard que j'ai mieux saisi le rapport qui unit s7ab l kharij et les Marocains. Ce n'est que plus tard que j'ai compris le "stress" de mon père, soucieux de paraître, devant les miens. Ce n'est que plus tard que j'ai compris ce que l'on voulait récolter de tous les câlins et les gâteries dont on m'avait couverts...
Beaucoup plus tard.
Mais trop tard pour détruire en moi l'amour, l' "idolâtrie" que je voue à tout ce que j'ai aimé et qui m'a aimé.