La tradition bouddhique transmet comme modèle du suicide héroïque le récit du fils dun boucher qui, arrivé à lâge adulte, doit exercer le métier familial et refuse de tuer des êtres vivants. «Ses parents lui donnèrent un couteau et lenfermèrent dans une chambre avec un mouton, en lui disant: Si tu ne tues pas ce mouton, il ne te sera pas permis de sortir pour voir la lumière du jour et recevoir ta nourriture. Le fils réfléchit et se dit: Si je tuais ce mouton, je finirais par exercer leur métier. Comment, fût-ce pour ma vie, commettre de si grands crimes? Alors il se tua avec le couteau. Lorsque ses parents ouvrirent la porte et regardèrent, le mouton était debout de côté et leur fils avait cessé de vivre. Au moment où il sétait tué, il avait pris naissance parmi les dieux» (Traité de la grande vertu de sagesse, t. ii, traduction annotée par Étienne Lamotte, Louvain, Institut orientaliste, 1966-1980, p. 794). Face au dilemme de sauver ou la vie dun animal ou la sienne propre, il choisit la première voie et, par la destruction de sa propre chair, il arrête la roue de la destruction de toute chair vivante. Cest sans doute cette même symbolique auto-sacrificielle qui a inspiré limmolation par le feu de certains bonzes pendant la guerre du Viêt-Nam. Par le caractère spectaculaire de leur geste, ils espéraient «sauver dautres vies humaines en plus grand nombre» (G. Bugault et L. Kapani, art. cité, p. 184).