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Une enquête récente nous a appris (une nouvelle fois) que le Belge a un avis nettement plus négatif sur l'immigration et les "étrangers" que la plupart des autres Européens, même si dans nos pays voisins, la situation est beaucoup plus harmonieuse qu'ici. En Allemagne, les chiffres font état d'une plus grande tolérance qu'en Belgique, mais cela n'a pas empêché la journaliste Anja Reschke de fulminer en plein journal contre le racisme de plus en plus éhonté. "Si vous ne pensez pas que tous les réfugiés sont des bons à rien qu'il faut traquer, brûler ou gazer, faites entendre votre voix".
Hormis sur certains forums sur internet, les mots "brûler" et "gazer" ne sont heureusement pas encore à l'ordre du jour en Belgique. Pourtant, le débat "nous, contre eux" fait rage. Le ministre du Bien-être animal Ben Weyts (N-VA) persiste dans son projet de ne plus autoriser d'exceptions à l'interdiction d'abattre sans étourdissement dans les abattoirs non reconnus. Du coup, il risque d'y avoir un manque de capacité le jour de la Fête du Sacrifice. Un certain nombre de musulmans se sent visé, si pas discriminé, et se prépare à entreprendre des démarches juridiques contre toute forme d'abattage sans étourdissement.
Un ministre a le droit d'adapter les lois, de les durcir ou de les assouplir et certainement, si à l'instar de Ben Weyts, il suppose que sa politique bénéficie d'un soutien démocratique important. Cependant, les protestations sont tout aussi légitimes.
Les syndicats ont le droit de contester la politique socioéconomique de ce gouvernement. Le Mouvement flamand lutte contre la Belgique depuis de nombreuses années, et le but final légitime, c'est l'indépendance.
Les musulmans aussi ont pleinement le droit d'épuiser tous les moyens démocratiques et juridiques pour obtenir leurs revendications religieuses ou culturelles.
Cependant, cela ne signifie pas pour autant qu'il est intelligent d'affirmer mordicus qu'on a raison. Ce débat a dégénéré en dialogue de sourds étrange.
Les organisations musulmanes belges n'ont pas encore bien argumenté pourquoi, ailleurs en Europe, les musulmans acceptent une forme d'abattage rituel avec étourdissement alors qu'ici ce serait une mise à l'index inacceptable de leur foi et de leur identité.
Weyts n'a pas encore réussi à expliquer de façon convaincante pourquoi il se profile aussi nettement comme adversaire de l'abattage sans étourdissement lors de fêtes religieuses, maintenant par les musulmans, plus tard peut-être aussi par les juifs, et ce alors qu'entre-temps on sait que dans les abattoirs on abat sans étourdissement à tour de bras, mais pour des raisons commerciales.
Sur les réseaux sociaux et les forums, la même phrase revient des milliers de fois : "C'est à eux à s'adapter à nous et pas l'inverse". Ce n'est pas vrai pour l'abattage rituel. Depuis des siècles, la communauté juive à Anvers pratique l'abattage sans étourdissement et jusqu'à il y a peu de temps, les juifs ne couraient pas le risque d'enfreindre la loi.
L'année dernière, on a fêté le cinquantième anniversaire de l'immigration turque. Les Turcs vivaient donc en Belgique depuis 20 ans quand la première interdiction sur l'abattage sans étourdissement a été prononcée en 1986. Elle a été assouplie en 1995 avant d'être à nouveau durcie en 2009. Il ne s'agit donc pas de moeurs exotiques interdites depuis la nuit des temps.
Il est certain que tous les Belges sont égaux devant la loi, quelles que soient leurs convictions religieuses. Pourtant, les musulmans ont le sentiment que les lois les visent particulièrement. Ainsi, il y a l'interdiction de signes religieux extérieurs pour le personnel de guichet, de l'abattage sans étourdissement en passant par l'interdiction locale dans beaucoup de piscines de porter des maillots de bain mi-longs, officiellement pour des raisons d'"hygiène".
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Si certaines interdictions touchent les musulmans et pas les Belges catholiques et libres penseurs, ce n'est probablement pas par hasard
Même s'il ne s'agit pas toujours de discrimination consciente, les musulmans n'ont pas tout à fait tort. Si certaines nouvelles interdictions les touchent eux et pas les Belges catholiques et libres penseurs, ce n'est probablement pas par hasard. Tout le monde parle de l'interdiction du voile, pas celui des croix. Le commun des mortels éprouve peu de compréhension à l'égard de ce qui est cher aux musulmans. En plus, un ministre gagne même en popularité quand il complique la Fête du sacrifice. L'enquête européenne susmentionnée révèle qu'il existe un soutien à une politique de plus en plus dure à l'égard des étrangers. Ça aussi, c'est de la démocratie.