Après les victimes présumées en France et en Belgique, c'est au tour de 4 mineures suisses (au moment des faits) de témoigner. PS : propos islamophobes et complotistes s'abstenir. Je vire et je bloque les 2. L'article était en payant. Le voici dans son intégralité.
A Genève, le professeur Tariq Ramadan séduisait ses élèves mineures
Enquête D’anciennes élèves du Genevois, qui a enseigné des années au cycle et au collège, révèlent avoir été harcelées et même avoir eu des relations sexuelles avec lui, sous son emprise.
Sophie Roselli
C’est arrivé bien avant les deux accusations de viol en France. Et bien avant qu’il devienne le célèbre islamologue controversé. Tariq Ramadan, 55 ans, a enseigné plusieurs années dans sa ville natale de Genève, où il n’a pas laissé que des bons souvenirs. La Tribune de Genève a découvert qu’il a tenté de séduire sans succès une de ses élèves de 14 ans. Il est même arrivé à ses fins avec trois autres, âgées entre 15 et 18 ans. Les faits remontent aux années 80 et 90, lorsque le professeur de français et de philosophie œuvrait au Cycle des Coudriers puis au Collège de Saussure. Quatre Suissesses, que nous avons pu retrouver au fil de notre enquête, acceptent de témoigner. Une manière de soutenir celles qui osent dénoncer aujourd’hui les abus de cet homme. Ces Genevoises, non musulmanes, toutes actives dans la fonction publique, qui ont fondé une famille, craignent de parler à visage découvert. Elles décrivent l’emprise psychologique qu’exerçait sur elles leur brillant professeur. Des agissements dénoncés également par Stéphane Lathion, un ancien de la garde rapprochée de Tariq Ramadan.
Sandra* avait 15 ans lorsque le jeune et séduisant Tariq Ramadan s’est rapproché d’elle. Comme d’autres, elle se souvient encore des mots du professeur, qu’elle trouvait bizarres: «Je me sens proche de toi. Tu es mature. Tu es spéciale. Je suis entouré de beaucoup de monde mais je me sens seul.» Comme d’autres, elle a été invitée à rester dans la classe après les cours. Puis elle a accepté de boire des cafés avec lui en dehors de l’école. «J’étais à l’aise et mal à l’aise. La confusion s’était installée dans ma tête. A deux ou trois reprises, nous avons eu des relations intimes. A l’arrière de sa voiture. Il disait que c’était notre secret», confie celle qui n’avait alors pas la majorité sexuelle (lire ci-contre). Elle en avait parlé à sa meilleure amie. Pas à ses parents.
A l’époque, Tariq Ramadan était considéré comme un fils d’immigrés parmi tant d’autres à Genève, cité internationale et multiculturelle. Son père, Saïd, figure des Frères musulmans exilé en Suisse, avait créé le Centre culturel islamique des Eaux-Vives. Son grand-père avait fondé la confrérie. Tariq, le fou de foot devenu enseignant, parlait peu de religion en classe. Il versait plutôt dans l’humanitaire, s’investissait dans des projets pédagogiques, à travers l’association Coopération coup de main, organisait des voyages d’études. Sa proximité avec ses élèves le rendait très populaire. Il avait même pris l’habitude de les inviter en tête à tête à déjeuner au restaurant et les emmenait dans sa voiture personnelle.
«Il était un homme tordu, intimidant»
Léa* s’en souvient encore. Elle avait 14 ans lorsqu’il lui a fait des avances durant le trajet. «Il a mis sa main sur ma cuisse en me disant qu’il savait que je pensais à lui le soir avant de m’endormir. Ce qui était faux. C’était de la manipulation. Il disait qu’il pensait à moi mais qu’il était marié. J’étais mal, mais je ne pouvais rien dire. C’était mon prof.» Dans son cas, il n’y a pas eu de passage à l’acte, mais Léa a subi les foudres de ce professeur «possessif et jaloux», qui la qualifiait d’aguicheuse. Elle a résisté, en a parlé autour d’elle, y compris à ses parents. Avec le recul, elle remet les choses en perspective: «Avant d’être ce leader musulman, il était un homme tordu, intimidant, qui usait de stratagèmes relationnels pervers et abusait de la confiance de ses élèves. Il avait une telle emprise sur nous…»
Cette emprise, Agathe* la ressent encore dans sa chair. «J’ai été abusée et violentée. Je me suis beaucoup efforcée d’oublier, mais tout ressort maintenant avec ces affaires…» La voix déraille. La mère de famille se confie pour la deuxième fois en plus de vingt ans. «Quand j’avais 18 ans, j’étais, comme d’autres élèves, captivée par le discours de ce professeur charismatique. Il m’a proposé des cafés en dehors des cours. Et puis j’ai eu des relations sexuelles avec lui. Il était marié et père de famille. Cela s’est passé trois fois, notamment dans sa voiture. C’était consenti mais très violent. J’ai eu des bleus sur tout le corps. Il m’a toujours fait croire que je l’avais cherché. L’histoire s’est sue et il m’a menacée, en exigeant le silence de ma part. Moi, je n’avais rien compris! Mais c’était de l’abus de pouvoir pur et simple!» A l’époque, Tariq Ramadan avait même une double responsabilité en tant que doyen.