Covid-19 : Dans le 93, solidarité en bande organisée
Paris Match | Publié le 01/05/2020 à 06h50 |Mis à jour le 01/05/2020 à 10h08
De notre envoyée spéciale
Manon Querouil-Bruneel
Dans un HLM des Courtillières, Wodiouma, Hawa et Bintille (au fond) commencent la distribution. Les colis sont faits en fonction du nombre et des besoins de chaque famille. L’équipe reçoit aussi des dons, comme cette cagette de fruits et légumes, offerte par un primeur.Veronique de Viguerie
En Seine-Saint-Denis, les quartiers luttent contre une précarité accentuée par le virus
En guise de bonjour, un « check » de coudes réglementaire, avant que la quinzaine de volontaires ne plongent sous une montagne de paquets de pâtes et de briques de lait. Sur fond de rap, l’équipe s’active dans le local des Têtes grêlées, un collectif d’artistes qui, depuis le début de la crise, organise des distributions alimentaires dans les zones HLM de Pantin. Sous les masques, leurs traits juvéniles apparaissent tirés. Au temps du confinement, les nuits sont courtes ; les journées, denses.
« Le sac numéro 12, c’est pour Mme Boumédiene, la mère à Karim ? »
interroge l’armoire à glace glissée dans un survêtement qui se fait appeler « Boucher ». « Je livre pas chez elle, je veux pas afficher son fils. Y a des codes à respecter, même en temps de crise. » Ce surnom, Boucher l’a gagné sur les terrains de foot, où il prétend avoir « massacré un bon paquet de ligaments croisés ». Cela ne l’empêche pas de cocher, avec l’application d’un écolier, les noms des 80 familles qui, signalées par le bouche-à-oreille et les assistantes sociales, bénéficient de cette aide providentielle. Avec les semaines qui passent, la liste s’allonge dramatiquement. « Ça devient chaud », résume Boucher, lapidaire.
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Dans ce département du 9-3, le plus pauvre de France, le coronavirus a jeté des milliers de foyers dans une grande précarité. Désorganisées, les allocations et autres aides sociales tardent. Femmes de ménage, agents de sécurité, déménageurs… l’armée d’invisibles qui travaillaient fréquemment au noir et peinaient déjà à joindre les deux bouts se retrouve sans ressources, désemparée. Les écoles fermées, il leur faut en plus, désormais, assurer trois repas quotidiens pour des fratries souvent nombreuses. « Il y a un mélange de honte et d’incompréhension, des barrières linguistiques et sociales qui compliquent la gestion de la crise chez nous », note Wodiouma Sylla, responsable des
Têtes grêlées. L’association porte un drôle de nom, choisi en l’honneur de ses membres, « durs et imprévisibles ». Aujourd’hui, même les plus solides d’entre eux sont ébranlés.
Ces derniers jours, Wodiouma découvre une nouvelle misère à l’ombre des tours de la cité :
« Je vois des darons bien habillés s’asseoir sur leur fierté pour venir nous demander un litre de lait ou un paquet de couches. Sans solidarité, on ne s’en sortira pas. » En Seine-Saint-Denis, où un sentiment d’abandon règne depuis longtemps, les habitants n’attendent jamais grand-chose des institutions. Dès le confinement décrété, les acteurs sociaux se sont organisés. Parfois miné par des querelles de clocher, le milieu associatif local a même scellé un pacte d’union solidaire autour d’un fil de conversation WhatsApp baptisé « Solid 19 ».
Jeunes des cités, bobos et militants d’extrême gauche, pour une fois unis autour d’une même cause...
Pour soutenir les associations de Pantin, envoyez vos dons à partir de ce lien : bit.ly/2WZzigf.
Retrouvez la suite de ce reportage dans Paris Match en vente ce jeudi 30 avril
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