Dans le même sens du sujet
La France va expérimenter le bracelet électronique pour les conjoints violents
A la veille de la journée internationale contre les violences faites aux femmes, qui a lieu tous les 25 novembre à l'initiative des Nations unies, François Fillon, le premier ministre, a annoncé que la lutte contre ces violences deviendrait la "grande cause nationale" 2010. Attribué tous les ans par Matignon, ce label permet de couronner symboliquement un combat, mais aussi de donner un coup de main aux associations : pendant un an, la grande cause nationale a droit à la diffusion gratuite de messages sur les radios et les télés publiques.
Les violences faites aux femmes font énormément de victimes. En France, en 2008, cent cinquante-sept femmes sont mortes sous les coups de leur compagnon, ce qui représente un décès tous les 2,3 jours. "Dans de nombreux cas, le meurtre est l'ultime étape d'un continuum de violences, puisque, dans un quart des cas, il existait une violence connue antérieure", soulignait, en juillet, une mission d'information de l'Assemblée nationale, dont la présidente (PS) était Danielle Bousquet et le rapporteur (UMP), Guy Geoffroy.
VIOLENCES SOUVENT PASSÉES SOUS SILENCE
Malgré leur gravité – en France, le huis clos conjugal est, pour les femmes, un lieu plus dangereux que l'espace public –, ces violences restent souvent tues. Selon l'Enquête nationale sur les violences faites aux femmes en France (Enveff) de 2001, leur taux de signalement est évalué à 13 %, contre 32 % pour les violences au travail et 43% pour les violences dans l'espace public. Cette sous-déclaration a été confirmée par les enquêtes de victimation menée par l'Observatoire national de la délinquance.
Ces violences n'ont pourtant rien d'anodin : selon l'Enveff, les femmes battues font en moyenne onze fois plus de tentatives de suicide que les autres, et 10 % des enfants qui assistent à ces scènes sont, eux aussi, frappés. Une enquête du Centre de recherches économiques, sociologiques et de gestion, menée en 2006, estime en outre le coût annuel de ces violences à 1 milliard d'euros si l'on prend en compte les soins aux victimes, le coût des structures d'hébergement, les procédures judiciaires et les pertes de revenus.
Pour lutter contre ce fléau, la secrétaire d'Etat à la famille, Nadine Morano, souhaite donner une nouvelle impulsion au plan triennal lancé en 2008. Elle devait ainsi annoncer, mercredi 25 novembre, en conseil des ministres, l'expérimentation, en France, d'une mesure qui a été mise en œuvre en Espagne cet été : le bracelet électronique pour les conjoints violents. "Il s'agit d'un outil imparable de protection", affirmait-elle lors d'une visite à Madrid, le 17 novembre.
RÉFÉRÉ-PROTECTION
En Espagne, la justice peut ainsi imposer aux hommes violents le port d'un bracelet électronique doté d'un GPS. La victime, elle, se voit confier un téléphone portable GPS doté d'un bouton d'alarme. Dès que l'homme s'approche de sa femme ou franchit le périmètre de sécurité qui la protège – son domicile, son travail, l'école des enfants –, le Centre national de surveillance de Madrid peut avertir la police. Sur les six cents alertes enregistrées depuis juillet à partir des cinquante-huit bracelets recensés en Espagne, deux cent vingt-deux ont donné lieu à une "activation des forces de sécurité".
Pour améliorer la protection des victimes, la secrétaire d'Etat à la famille propose également d'étendre les procédures d'éviction du conjoint violent aux pacsés et aux concubins et d'introduire dans le code civil un "référé-protection" qui permettra d'aider sans délai les femmes en danger. Mme Morano souhaite enfin introduire dans le code pénal un nouveau délit. Inspiré du harcèlement moral, ce texte servira à réprimer les "violences psychologiques" au sein du couple.
La plupart de ces mesures figurent dans une proposition de loi qui a été déposée, mercredi, par vingt-neuf députés issus de la mission d'information de l'Assemblée nationale. Venus de l'UMP, du PS, du PC ou des Verts, ces élus ont écarté l'idée de rédiger une loi-cadre à l'espagnole, mais ils ont émis soixante-cinq propositions qui vont de la création d'un observatoire national à l'instauration d'une ordonnance de protection des victimes. "Nous nous appuierons sur leur travail pour faire aboutir les mesures annoncées au conseil des ministres", précise Mme Morano.
http://www.lemonde.fr/societe/artic...nts-violents_1271747_3224.html#ens_id=1271754