Je crois qu'il faut être prudent, les mystifications intellectuelles sont coutumières dans le discours politique. Les travaux du Conseil d'Orientation des Retraites et une majorité d'analystes privilégient dans leur lecture un chiffre parmi beaucoup d'autres, en l'occurrence le ratio de dépendance vieillesse c'est-à-dire le rapport entre le nombre de seniors et la population en situation d'emploi. C'est cet outil prévisionnel qui motive le discours alarmiste et le ton solennel des élites au sujet de la réforme des retraites. En effet, il montre une progression de 50% d'ici 2050, autrement dit chaque actif aurait à charge la retraite de presque deux seniors. Ce qui peut, présenté en l'état, effectivement provoquer l'inquiétude quant à la viabilité du système et un sentiment de devoir de responsabilité vis-à-vis des générations futures.
Le problème est qu'il est économiquement singulier que de ne produire un diagnostique global qu'à partir d'un chiffre. Ce dernier pourrait faire croire que demain chaque actif verra sa dette vis-à-vis de ses ainés croitre proportionnellement, à la même cadence. C'est complétement faux. On fait comme si les seniors étaient les seules personnes économiquement dépendantes des personnes en situation d'emploi. Ces dernières, par leur travail contribuent aussi à la prise en charge des autres inactifs, seniors ou non, en plus des chômeurs. Le ratio qui devrait prévaloir dans une anticipation synthétique est celui de la dépendance économique, c'est-à-dire le rapport entre les personnes sans emploi et les personnes en situation d'emploi, qui mesure la charge globale qui pèsera sur les futures générations de travailleurs. C'est un indicateur bien plus complet, donc plus fiable. Evidemment politiquement il est moins intéressant si l'on veut réformer par le bas puisque ce chiffre n'a rien de tapageur, bien au contraire: il ne progresse que de 13,5% au même horizon, et pour cause l'augmentation du prorata de seniors sera en partie compensé par la baisse de celui des jeunes. En dépit de ce que l'on croit souvent, en économie, un senior ne représente pas un coût plus élevé que celui d'un jeune. Une timide croissance de 0,3 points sur 40ans permettrait de maintenir à l'identique notre niveau de vie sur les bases démographiques et sociales connues, censées déstabiliser l'équilibre du système. On est loin des prétentions gouvernementales, C.Lagarde tablait sur 2,5 pour 2011 et ce, en plein chaos économique.
Il ne s'agit pas de dire que tout va bien, mais que l'état d'urgence dans lequel les élites sont en train de traiter ce dossier précis n'est pas justifié. Tout comme l'unilatéralité des réponses politiques apportées.