Une jeune femme médecin voilée découvre lamour dans les bras du beau Hamza. Scandale ! Le premier long-métrage de Aziz Salmy, Amours voilées, a provoqué lire du député islamiste Abdelbari Zemzmi, qui plaide à longueur de journaux pour linterdiction pure et simple du film. Le député, qui na pas jugé bon de regarder le film, dénonce « un appel à labandon du voile ».
« Je cherche à provoquer le débat », avait déclaré le réalisateur marocain Aziz Salmy au moment de la présentation de son premier long-métrage, Amours voilées , hors compétition, au Festival international du film de Marrakech (du 14 au 22 novembre). Un film qui a pour ambition de lever le voile sur une frange de la société marocaine, ces jeunes trentenaires qui ont réussi socialement, et qui restent tiraillées entre leurs ambitions professionnelles et la tentation dune vie familiale bien rangée, dans lombre dun homme protecteur et bienveillant. Batoul, lhéroïne du film, médecin de 28 ans, issue dune famille bourgeoise conservatrice, découvre lamour en la personne du beau Hamza. Elle se laisse alors prendre dans le tourbillon de lamour, se donnant pour la première fois à un homme au mépris des conventions sociales.
« Une relation illégale »
En fait de débat, le long-métrage de Aziz Salmy aura provoqué les foudres du député et prédicateur Abdelbari Zemzmi, du parti Renaissance et Vertu, qui sest, dès la sortie du film, fondu de déclarations dans la presse pour dénoncer son immoralité supposée. Ne se contentant pas de manifester son désaccord, lhomme multiplie les appels pour linterdiction de sa diffusion. « Je vais interpeller le ministre de la Communication pour obtenir linterdiction du film, et je demande désormais au gouvernement dassumer ses responsabilités », sest-il enflammé sur les colonnes de Aujourdhui le Maroc, le 9 janvier. Ce qui a fait bondir le député ? « Cette fille entretient avec un jeune homme une relation illégale, qui se solde par une grossesse [
] et quelques séquences du film montrent des filles voilées fumer du narguilé ». Selon le parlementaire, le message quAmours voilées veut faire passer « nest pas logique, ni légal, parce que la fille en portant le voile na dautre intention que de sacquitter de son devoir religieux, tout comme nimporte quel autre musulman qui fait sa prière, donne laumône, ou accomplit le jeûne ». En somme, pour le député, « ce film véhicule un appel à labandon du voile ».
« Je parle dun cas particulier »
Le réalisateur Aziz Salmy, qui précise que la diffusion du film a été autorisée par le Centre cinématographique marocain, se trouve pour sa part contraint de défendre son film sur le terrain de la moralité. « Dans mon film, je parle dune seule femme, du cas particulier dune certaine catégorie de femmes, et je ne généralise pas. Il sagit de lhistoire dune femme qui narrive pas à concilier sa vie sentimentale et sa vie religieuse, entre modernité et conservatisme, entre le divin et le charnel », explique-t-il dans un entretien au même journal. Et dajouter : « Le but de mon film nest pas de faire la morale et encore moins de polémiquer. Pour moi, le but du cinéma est de poser les problèmes de la société et de créer un débat positif. Et puis lhistoire dune femme modèle nintéresserait personne. En tant que réalisateur, je choisis des histoires intéressantes et des personnages complexes. »
La sortie du député Abdelbari Zemzmi appelant à la censure pure et simple dun film, nétonnera pas outre-mesure au royaume chérifien. Lhomme est connu pour ses positions extrêmes. Il avait auparavant suscité lindignation en refusant le statut de « martyr » à Ben Barka, traitant lopposant marocain, sur les colonnes de Maroc hebdo, de « renégat » qui a mérité son assassinat, parce quil était communiste et contre la monarchie. En tout cas, la controverse autour des Amours voilées, dAziz Salmy, a toutes les chances de lui servir de campagne de promotion, comme ce fut le cas pour Marrock, de Leïla Marrakchi, il y a encore quelques années. Ce qui devrait encore une fois éluder les critiques sur les considérations esthétiques du film.
Source : Afrik.com - Djamel Belayachi