Sofia -Alaïa, 32 ans
“L’idéal introuvable : un Arabo-musulman ancré dans sa culture et en même temps ouvert et tolérant.”
“Il y a deux types d’hommes maghrébins. Soit des hommes complètement déconnectés de leurs racines, qui se sont comme affranchis de leur éducation qu’ils considèrent comme une atteinte à leur liberté, soit des mecs hyper traditionalistes qui rejettent complètement le modèle occidental. Il existe un juste milieu, mais il est dur à trouver. Cet homme serait à la fois ancré dans sa culture arabo-musulmane et tout ce qu’elle sous-tend – famille, attachement aux racines, foi en Dieu. Mais il serait aussi ouvert et tolérant, il continuerait à s’amuser le soir avec ses amis de toutes les origines et il tolérerait qu’une femme arabe puisse s’assumer, mener une vie sociale active et fumer.
Les hommes musulmans ont du mal à comprendre notre dualité. Mon dernier ami, par exemple, trouvait bizarre que je vive seule et que je sorte le soir tout en pratiquant assidûment ma religion. Notre mode de pensée s’est francisé. On vit en France, on fréquente des Français, il est donc normal, même si parfois je me sens un peu schizophrène, que deux cultures cohabitent en nous, une héritée de nos parents, et l’autre de la terre d’accueil.
Je pense faire peur aux hommes. Aujourd’hui, une Arabo-musulmane cadre suscite des appréhensions chez son semblable masculin. D’un point de vue économique, elle n’a pas besoin d’un homme. Elle s’assume, sait ce qu’elle veut et ce qu’elle ne veut pas. Et puis les hommes maghrébins en entreprise, ça ne court pas les rues ! Je sais pourquoi : les Maghrébines issues de l’immigration réussissent mieux que leurs homologues, la discrimination au travail touche plus les hommes que les femmes. Moi, je veux impérativement rencontrer une personne du même niveau social et intellectuel que moi. Sinon, la relation sera vouée à l’échec. Pour cela, je vais à des soirées communautaires arabes. Selon les hommes que je rencontre, j’affirme mon arabité ou ma culture française. Au début, les trips communautaires ne m’inspiraient pas trop. J’ai eu beaucoup de mal à m’y faire, je n’étais pas vraiment à l’aise. Cela a un côté triste de se dire que tu es acculée à fréquenter ces milieux-là.
C’est à l’issue d’une soirée que j’ai rencontré un jeune homme qui correspondait à mes attentes. Après l’euphorie des premiers jours, il a mal accepté le fait que je gagne mieux ma vie que lui et que je sois déjà propriétaire de mon appartement. Il s’est senti inférieur. Les petits pics verbaux se sont transformés en rancœurs injustifiées.
Je l’ai mal vécu et j’ai préféré le quitter. Espérons que le prochain sera le bon…”