entendu, je partage ici l'extrait d'une réflexion à ce sujet :
Quand la dernière glaciation s’achève, il n’y encore que des chasseurs-cueilleurs à la surface du globe. Le réchauffement, outre la montée du niveau des mers, va provoquer dans certaines régions bien identifiées, une profusion de la faune et de la flore conjuguée à un stress induit par des variations climatiques importantes et rapprochées. Cette conjonction va conduire les hommes à modifier leurs comportements ainsi qu’à innover selon un schéma qui va se répéter indépendamment en de nombreux points du globe : déluges et montée des eaux suivie d’une période, l’Eden, où l’abondance fait de la nature un « jardin » des « dieux ». « Jardin » et « paradis » sont de même racine dans de nombreuses langues. La relation des hommes avec le territoire va profondément changer dans ces zones de forte fertilité. C'est cette relation entre le jardin des seigneurs et le territoire autour du jardin qu'une grande partie de la genèse originelle raconte à sa façon, une façon que le temps va progressivement transformer et déformer jusqu'à la Bible.
Indépendamment vont naître ce que nous appelons les grandes civilisations qui ont modelé nos comportements, nos spiritualités, nos conceptions du pouvoir ainsi que notre regard sur le territoire, ceci jusqu’à nos jours. C’est ce qu’on pourrait appeler la scène primitive et l’apparition d’une tradition primordiale à la fois « une » dans son mécanisme et « multiple » dans ses contextes.
Le proche orient a connu les évolutions les plus précoces pour ces raisons, mais aussi en raison des heurts entre les premiers citadins et les tribus transhumantes (origine de la racine « ar » ou « er ») qui veulent leur ravir leurs emblèmes. Les plus anciens vestiges de la transition néolithique ont été retrouvés le long d’un arc qui va de la Palestine à Zagros en passant par le Taurus : le croissant fertile. Il relie les deux zones de forte variabilité climatique comme le déluge l’allégorise dans la mémoire humaine. Comme ailleurs dans les zones de même type du globe. L’abondance évite de s’y déplacer sur de grandes distances : les groupes humains se sédentarisent autour des foyers tenus par les femmes.
Très vite l’agriculture et l’élevage apparaissent comme le résultat non d’une nécessité mais comme un art culturel développé par les femmes et ceux des hommes qui ne vont ni à la cueillette ni à la chasse. Les recherches génétiques récentes ont montré comment grâce à cette activité vécue comme un art du « Jardin de Paradis » la nature sauvage et la nature domestiquée se séparent intra-muros progressivement par sélection au fil des générations. Le vrai signal de départ va venir vers -8000 du développement des graminées qui, dans les premières enceintes, de sauvages deviendront ici blé et orge, ailleurs millet, riz, maïs, etc.
Quand dans la genèse sumérienne, le seigneur du lieu, Enki, propose à Ninti, l’équivalent de la future Eve, de se promener à l’aube pour venir admirer la rosée matinale sur ses graminées, il ne s’agit évidemment pas de se nourrir. Quand plus tard la genèse sumérienne (Adapa), la plus ancienne connue, avant celle akkadienne, sera écrite, la transition vers le patriarcat est déjà amorcée. Et c’est le Seigneur, « Annunaki » qui finira par devenir un des « Elohim » bien plus tard, qui fait visiter à une femme le jardin des femmes, car le Jardin, « c’est encore pour les femmes » !
Dans le croissant fertile, -6000 est une date cruciale. C’est la fin du premier holocène, que les textes sacrés décrivent comme l’Eden, le Jardin. Le refroidissement signe la fin de l’abondance naturelle d’eau dans les terres des zones fertiles et donc le début de assèchement. Ce à quoi les hommes vont répondre en inventant l’irrigation. Ce sera alors le début de l’agriculture que nous connaissons, une agriculture de nécessité contrainte de ne pas s’éloigner trop des premiers villages autour des foyers féminins qui ont commencé de s’organiser en micro-sociétés. Le Jardin des dieux, des déesses en fait, va sortir des murs pour devenir le champ des hommes. Et dès lors va naître une mémoire fantasmée de cette sortie qui, bientôt, va se heurter à l’arrivée des tribus non encore sédentarisées. Autre affrontement fantasmé par la genèse qui raconte en fait la rencontre des sédentarisés et des cueilleurs-chasseurs. Symboliquement le taureau, la vache, sera associé au mythe de la déesse mère.
En Mésopotamie, de ce fait, d’où son nom, ce sont les terres entre (meso) les fleuves Tigre et Euphrate qui seront conquises par la culture de l’orge. Car ce sont encore des fleuves à l’époque. L’irrigation conduira les premières colonies sédentarisées de peuplement à descendre progressivement vers le Sud pour y former le Pays de Sumer (Sa-Marih)
Poursuivons le mythe tel qu'il nous parvient donc beaucoup plus tard. Il y avait avant toute chose (ex cathedra, traduit par au commencement) " l'Océan primordial infini," c'est de cette Mer originelle infinie qu'étaient nés le ciel et la Terre. Au commencement la terre était confondue dans l'univers qui se sépara. Le prélude de l'Evangile de Jean est déjà là, ainsi que la cosmogonie égyptienne. Tellement frappant. Avec de plus une sémantique qui s'incrira durablement dans la mémoire sacrée de notre culture, certes dite occidentale. Cette mère est le NUUN d'Anunnaki, comme le noun égyptien, rassemblent dans le UN primordial, le UN et le NU, principe de division primordiale. C'est pourquoi cette matrice donnera NIN, la femme en sumérien vernaculaire. Dont nous avons souvenir dans "Nina". Ex cathedra était le logos (ce qui nous réunit tous, l'assemblée de la création, d'où la traduction de Nunna dans Anunnaki par Assemblée) et le logos contenait le deux (dieu, ou principe de séparation), etc. La parenté est non seulement saisissante, mais les textes s'éclairent l'un l'autre. An désigne le seigneur, celui qui justement "tranche", "sépare" "divise" en deux, d'où viendra plus tard le radical "an" une fois franchie la porte "J" dans Jean ou Janus, encore un lontain héritage du sumérien.
Les an-nunna-ki sont donc les seigneurs enfants de la pierre ou de la montagne. Oui l'assemblée des dieux si l'on veut. Mais les dieux sont des humains bien humains. Et comme en Grèce l'amnésie des parents lointains, surtout après le passage du matriarcat au patriarcat, les transforme en demi-dieux puis en dieux. Ainsi se développe le voile sur la scène primitive et le meurtre du père oedipien, tandis que les archétypes et les légendes prennent la relève de la mémoire avec le secours de la spiritualité.
L'étude attentive du mot Anunnakis suggère d'ailleurs que cette assemblée était en fait une assemblée de femmes. Dès lors on peut effectivement se demander quelle décision importante cette assemblée a-t-elle du prendre dans le passé pour que le mythe en garde la mémoire et quand ?
Quand ? Dans une période très reculée. Le texte dit clairement que même "l'art de la culture des céréales et des fruits" - ne parlons pas de l'agriculture - n'avait pas été introduit sur Terre. Cela nous ramène donc à une période juste post diluvienne, voire ante diluvienne. "Aucune plante des champs défrichés n'était encore sur Terre. Aucune herbe plantée n'y avait encore poussé... Et l'Homme n'y travaillaient pas la terre".La précision du texte est redoutable et renvoie à l'exacte nature de l'évolution de ces groupes humains après la fin du glaciaire, décrite dans l'épisode précédent. La différence est clairement faite entre la flore flore naturelle et les sélections apparues dans le "Jardin" comme un art, et non comme une nécessité au départ.
Tous les textes sumériens affirment que cette assemblée décida de créer un sapiens métissé, un "lulu", un "fifty-fyfty" pour que ces hommes accomplissent le travail des seigneur(e)s et se reproduisent de manière compatibles avec les seigneurs. Les traductions disent "un homme primitif". Force est de constater que le mot ne figure nulle part ! Certes dans le "fifty-fifty", il y a un jeu de mots qui signale que ces hommes et femmes "descendent de leur arbre", qu'ils sont à l'origine des cueilleurs et que le projet est d'en faire des travailleurs.
L'assemblée des femmes annuna vont réclamer des bras à la fin du premier holocène pour ne pas se mettre elles-mêmes au travail. Les rendements baissent. L'agriculture pratiquée comme un art doit se transformer en agriculture de nécessité. L'extension des villes demandent de l'or, des métaux. Les hommes ne suffisent pas car ils ont hérité de leur propre métissage néandertalien et de la consanguinité une difficulté à se reproduire.
L'assemblée des femmes va prendre une décision incroyable : faire des enfants métissés pour les mettre au travail, d'abord dans le jardin (Adapa), puis plus tard à la mine (mythe de la pioche) d'une manière tellement incroyable qu'elle n'a pu être comprise par les scribes successifs.