Oulad Bousbaa en Mauritanie du XIXème siècle jusqu'à nos jours
Les Ouled Bousbaa, tribu aux lointaines ascendances arabes, sont originaires du Maroc.
Ils tiennent le pouvoir en Mauritanie depuis quelques années.
Que ceux parmi les Oulad bousbaa, dont je ne met en doute ni lhonorabilité ni le nationalisme, et ils sont nombreux, (jen cite de mémoire, les Ehel Marrakchi, Cheiguer, Gharrabi, Boukhary, et jen oublie), des familles de lettrés notoires (Ehel Hommody, Benhmeida, et dautres) que mes propos ici ne manqueront de blesser, parce quil sagit malgré tout de leurs parents, si ce nest de leur tribu, que ceux là men pardonnent.
Ces familles honorables et respectables, à lhistoire fière et propre, ne sont concernées à aucun moment par ce propos. Ces familles, prestigieuses à plus dun titre, ont été malheureusement reléguées loin ces dernières années, par des personnalités que la fortune et le pouvoir ont porté aux rennes de la tribu, et une nouvelle oligarchie à l arrivage récent, qui constituent aujourdhui le gros du contingent Oulad Bousbaa en Mauritanie. Jai des parents très proches et des amis qui me sont très chers parmi cette tribu, et je leur voue une estime sans borne.
Je ne doute pas une seconde que les Oulad Bousbaa authentiques de Mauritanie, ceux-là qui y sont attachés depuis des générations, partageront tout à fait mon inquiétude et la comprendront.
Quand il sagit de la Mauritanie, aujourdhui comme hier, aucune tribu ne doit plus rester à labri.
On ne peut dénoncer hier lhégémonie tribale de certains, et se taire aujourdhui pour dautres. En clair ce qui est en cause ici cest lattachement réel de la tribu Oulad Bousbaa (plus exactement la majorité écrasant constituée du tout venant de celle-ci, et qui malheureusement détient aujourdhui le sort des autres) à la Mauritanie, à sa souveraineté, à son avenir, à son existence même. En effet, à voir la légèreté et la dérision avec laquelle le président du CMJD traite et aborde les problèmes très graves dans lesquels se débat le pays, à voir le saccage de léconomie et des murs par une poignée de parvenus.
Cest le commerce, plus exactement le trafic des armes, qui les amena en Mauritanie, vers le milieu du 19ème siècle. Ils y découvrent que les armes à feu sont encore inconnues des maures. Leur redoutable marchandise aidant, ils eurent didée de transformer leur excursion commerciale en une conquête armée. Les détonations lugubres, jamais entendues auparavant dans ces étendues du silence, ajoutées à la barbarie de ces gens sans foi ni loi venus du nord, sèment une terreur jamais connue en ces terres, où il existait malgré tout un code strict de lhonneur et de la guerre. Après quelques succès fulgurants, dues à linégalité des armes, les tribus Hassan qui les affrontèrent eurent vite fait de reprendre le dessus, et les Oulad Bousbaa furent chassés de chaque émirat où ils voulurent prendre pied. Ils se retirèrent vers leur pays dorigine, mais quelques familles sont restées, coincées dans les zones côtières, le long du littoral. Laversion naturelle que les maures ont pour la mer, où ils ne saventuraient pas trop en ces temps là, permit à ce petit nombre davoir la vie sauve.
Quelque rezzou Oulad Bousbaa, qui sétait reconstitué quelques années plus tard, voulut remonter vers le nord, et il reprit sur son chemin les razzias. Mais il finit par tomber sur bien plus fort que lui : les Réguibat. Ils furent décimés, et les survivants ne durent leur salut quà la tribu Ideichili, qui intervint en leur faveur, en les sauvant dun génocide certain. Les petits groupes Oulad Bousbaa restés au sud neurent pas pour autant une vie de tout repos, car les tribus Hassan voisine de la côte, notamment au Trarza et en inchiri, continuaient à les pourchasser sans merci. La hargne des maures contre les Oulad Bousbaa était telle quon sétait donné la consigne très dure au Trarza : « si tu rencontres un Oulad Bousbaa et une vipère, tues le Oulad Bousbaa dabord » (ila rayt sba3ï ou lva3ï, ktell sba3ï çabeg lva3ï, NDLR).
Quelques Oulad Bousbaa, revenus à un commerce plus conciliant, ont pu, plus tard, élire domicile à Atar, où il se sont fortement mélangé aux Smassid. Les Oulad Bousbaa, qui étaient venus par centaines du Maroc la première fois (ce qui était considérable à lépoque), avaient presque totalement disparu de la Mauritanie quand arrive la colonisation française. Il en restait tout au plus quelques dizaines de tentes, essentiellement en Inchiri, et au Trarza. La pénétration française allait leur donner une seconde vie.
Les Oulad Bousbaa, qui ruminent encore leur vengeance sur les maures, et les Hassan (bien que dorigine arabe, les Oulad Bousbaa ne sont pas Hassan), croient que lheure de la revanche a sonné pour eux, et proposent sans hésiter leurs services au projet de colonisation française (à lexception dune fraction dirigée par Ehel Marrakchi, et quelques autres en Adrar, qui firent dissidence de leurs cousins, en rejoignant la résistance). La France trouva en eux un précieux allié. Ils présentaient lavantage dêtre en conflit avec presque toutes les tribus maures, quils navaient aucun attachement à une région ou un territoire particulier, dêtre de bons connaisseurs de la société et du pays, et ils étaient familiarisés de longue date avec les armes. Cest ainsi que tous les premiers goumes coloniaux de Mauritanie sont constitués quasi-exlusivement de Oulad Bousbaa. Ils conserveront ce monopole et cette préférence auprès de la France. Cest là aussi lorigine dun peu de fortune pour certains dentre eux.
Après lindépendance, la plupart des Oulad Bousbaa préfèreront suivre leur employeur français au Sénégal, ou rentrer au Maroc, plutôt que rester en Mauritanie. Ils ne reviendront en nombre en Mauritanie quau début des années soixante dix, timidement dabord, puis plus massivement à partir du milieu des années quatre vingt. Ils sont redescendus par vagues successives du Sénégal et du Maroc, après quils sy soient fait oublié. Les événements avec le Sénégal allaient occasionner le plus gros retour des Oulad Bousbaa en Mauritanie. Cest peut-être une simple coïncidence, mais cest aussi à partir de cette date que la Mauritanie entre de plein pied dans lère de la fraude, du trafic en tous genres, de la drogue, de lalcool, de la prostitution, du blanchiment dargent, des détournements à grande échelle, de largent roi.
Les Oulad Bousbaa de Mauritanie, étaient jusque récemment encore, une tribu plutôt pauvre, sans patrimoine, ni territoire propres. Ils se consacraient au commerce, pour les plus dignes dentre eux, ceux qui possédaient quelques têtes de chameaux. Pour les autres, ils sadonnaient à de petites activités commerciales douteuses, au Sénégal essentiellement. Nous lavions dit : les Oulad Bousbaa, à quelques rares exceptions, furent les premiers à proposer leurs services aux visées colonialistes de lhexagone, dans lespoir de prendre leur revanche sur les tribus et émirats qui les avaient chassé. Autant dire que sans eux la France ne serait peut-être jamais allée au-delà de la région du fleuve Sénégal.
Cest grâce à leur aide, et leur connaissance du terrain, que sest faite la « pacification » du Trarza, puis du Tagant (Où un Oulad Bousbaa a achevé de sang froid, dune salve de fusil à grenaille, le grand héros et résistant Bakar Ould SoueidAhmed, à Bougadoum, alors quil était déjà mortellement blessé), et enfin lAdrar (cf le commandant Frère-Jean, 1906). Après le départ des français les Ould Bousbaa ont vite périclité. La plupart préférèrent rester au Sénégal ou retourner au Maroc (leur pays dorigine), plutôt que sinstaller en Mauritanie, où leur inimitié séculaire avec la quasi-totalité des tribus du pays, sétait doublée, pour la plupart dentre eux, de létiquette peu enviable de suppôts du colonialisme français.
Cest dire donc que jusquau milieu des années soixante dix il était rare de rencontrer un Oulad Bousbaa en Mauritanie, où ils navaient aucun lieu de résidence connu, ou qui soit attaché à leur nom. Les quelques Oulad Bousbaa qui existaient en Mauritanie, se rencontraient essentiellement à Nouakchott ou Atar, pour les plus en vue, et pour le reste il sagissait de quelques tentes qui vivaient de leur élevage, et quon pouvait rencontrer, en cherchant longuement, en Inchiri et au Trarza. Cest dire aussi que jusquau début des années quatre vingt les Oulad Bousbaa ne possédaient absolument rien, si on exceptait, les quelques têtes de chameaux et les quelques dizaines de boutiques du Sénégal cités plus haut.