L'idée qui prévalait alors était de rendre hommage aux plus de cent mille morts de confession musulmane qui ont combattu pour la France -une manière de célébrer l'amitié franco-musulmane scellée dans le sang sur les champs de bataille européens... Le montage juridique et financier de ce projet sera complexe, et se fera à travers la société des Habous et des Lieux Saints. C’est quand en effet le régime foncier applicable immobilisait un bien dit de «mainmorte», édifié par des musulmans et désignant une fondation pieuse comme étant sa gestionnaire.
Le Dahir fondateur a été scellé par le Sultan Moulay Youssef. Il incarnait une double légitimité: celle de son autorité religieuse, couplée à son autorité politique. La pose de la première pierre a eu lieu le 20 octobre 1922, en présence du Sultan Moulay Youssef et du président français, Gaston Doumergue.
L'inauguration officielle eut lieu, en grande pompe, le 15 juillet 1926, par le même Sultan et le même chef d’Etat français, Gaston Doumergue. La première prière du vendredi a été présidée par le Sultan; le prêche, lui, a été donné par le Savant et Cadi tijani Ahmed Skirej; quant au premier appel à la prière depuis le minaret de la Mosquée, c'est le Pacha Saîdi de Meknès qui a assuré cet office.
Depuis, comme l'a noté Jillali El Adnani, «les sultans marocains ont été derrière la nomination des imams de la Mosquée comme c'est le cas de Ben El Hassan Debbagh El Marrakchi, le savant El Arbi Bensouda, Sidi Mohammed El Baroudi, Sidi Mohammed Errifa'î, Sidi Larbi Aouad, Sidi Abdesselem Ben El Gnaoui, Mohamed Zaîmi ou encore El Maâti Achour. Depuis sa réalisation, la Mosquée de Paris a connu comme la société des Habous des Lieux Saints de l'islam, six responsables. Le premier d'entre eux a été Kaddour Benghabrit durant plus de trente ans (1922-1954), puis son neveu, Ahmed Benghabrit ( 1954-1956), Hamza Boubakeur (1957-1982), Cheikh Abbas Tedjini Haddam, Dalil Boubakeur et depuis 2020, Chems-eddine Hafiz».
Kaddour Benghabrit est d'origine algérienne, né à Tlemcen. Il a rejoint le Maroc avec sa famille à la suite de la colonisation française. Tous, comme tant d'autres, ont obtenu la nationalité marocaine. Il a poursuivi ses études à l'Université Al Qaraouiyine de Fès avant d'être magistrat, interprète-traducteur, fonctionnaire du protectorat français puis chambellan et même ministre auprès du Sultan Mohamed Ben Youssef.