Guerre de Tchétchénie
De son côté, le renseignement américain a affirmé avec constance qu’à ce stade, aucun élément ne pouvait laisser entendre une quelconque implication de Kiev. Les États-Unis avaient au contraire détecté début mars une menace d’attaque terroriste imminente à Moscou, information qu’ils assurent avoir transmise aux autorités russes qui auraient choisi de l’ignorer.
L'EI a renouvelé sa revendication samedi avec force détails, affirmant que ses «quatre combattants» étaient armés de «mitrailleuses, d'un pistolet, de couteaux et de bombes incendiaires» et que l'attaque s'inscrivait «dans le contexte de la guerre faisant rage» avec les «pays combattants l'islam». Pourtant, l’appareil russe semble ignorer ostensiblement ces prises de paroles, préférant blâmer nommément l’Ukraine. À tel point que Poutine n’a même pas mentionné le groupe terroriste dans sa première prise de parole publique après l’attaque.
«La tentation russe de blâmer l'Ukraine pour l'attentat n'est pas surprenante dans le contexte actuel», explique Élie Tenenbaum, directeur du centre des études de sécurité de l'Institut français des relations internationales (Ifri). «Jusqu'à quel point Vladimir Poutine se montrera ’opportuniste’ dans cette affaire pour accroître la pression sur l'Ukraine», poursuit-il sur X. L’attaque terroriste pourrait ainsi justifier de nouvelles mesures, comme une nouvelle mobilisation, voire une déclaration de guerre, estime le chercheur.
Attaque «orchestrée»
L’épisode rappelle la douloureuse vague d’attentats meurtriers qui avaient endeuillé la Russie en 1999 : ces attaques menées contre plusieurs immeubles d’habitation avaient fait près de 300 morts et un millier de blessés. Officiellement attribués par les autorités aux indépendantistes tchétchènes, les soupçons se sont portés sur les autorités russes qui auraient orchestré ces attaques pour trouver un prétexte au déclenchement de la seconde guerre de Tchétchénie.
Une thèse défendue le soir même de l’attaque par le GUR, la direction générale du renseignement militaire ukrainien. Dans un communiqué au vitriol, le service a dénoncé une attaque meurtrière «orchestrée» par le Kremlin et ses services spéciaux, «sur ordre de Vladimir Poutine». «Son objectif est de justifier des frappes encore plus dures contre l’Ukraine et une mobilisation totale en Russie», poursuit le communiqué, ajoutant que l’attentat devait être interprété comme «une menace de Poutine de provoquer l’escalade et d’étendre la guerre».
L’attaque est encore bien trop fraîche pour tirer des conclusions définitives. Mais force est de constater que la revendication de l’État islamique «est passée par les voix classiques de l’organisation», comme le rappelle Élie Tenenbaum, soulignant que le groupe terroriste «n’a presque jamais revendiqué ’à tort’ un attentat». Et de conclure que les tensions liées à la guerre en Ukraine ne doivent pas faire oublier la menace djihadiste qui reste bien réelle. Mais elles n’empêchent pas les exploitations opportunistes, «qu’il ne faut pas confondre avec des conspirations machiavéliques».
Source : Le Figaro