L’attaquant du Real Madrid, mis en examen dans l’affaire de la « sextape » de son coéquipier en sélection Mathieu Valbuena, a été suspendu et ne participera pas à l’Euro 2016 de football « si la situation n’a pas évolué » d’ici là, a annoncé le président de la Fédération française de football, Noël Le Graët.
Comme cela était attendu, l’attaquant du Real Madrid n’est donc officiellement « plus sélectionnable » en équipe de France par le patron du football français. « Je laisse une porte d’espoir pour que ce dossier puisse retrouver un équilibre normal », a dit M. Le Graët.
« Il ne sera pas sélectionnable au mois de mars, juin, juillet, si le dossier n’évolue pas. S’il n’y a pas d’évolution pendant l’Euro 2016, il ne joue pas. L’affaire Benzema, c’est un crève-coeur pour moi. Aujourd’hui, ce qui est dans le dossier n’est pas en la faveur de Benzema. »
« On aurait préféré se passer de cette affaire. Mais cela n’a pas de conséquence. Il n’y a aucun souci », assurait pourtant au Monde Noël Le Graët quand on l’interrogeait sur la mise en examen de Karim Benzema, le 5 novembre, pour « complicité de tentative de chantage » dans la désormais célèbre affaire de la « sextape » dont son partenaire chez les Bleus Mathieu Valbuena est la victime. Ce dernier « est sélectionnable, il n’y a pas de problème pour Valbuena », a dit Noël Le Graët.
« Mon souhait, c’est que ce dossier se dégonfle et que les deux joueurs, nécessaires à l’équipe de France, puissent se serrer la main et jouer », a conclu le président de la FFF. « La décision du président de la FFF réserve et préserve l’avenir, il n’a pas saisi la commission de discipline, ce qui montre bien qu’il a pris la vraie mesure de cette affaire », a réagi un des avocats du joueur, Alain Jakubowicz
Ce « dossier » a commencé à gonfler le 11 novembre, quand L’Equipe, dans la foulée d’Europe 1, publie la retranscription d’écoutes téléphoniques très embarrassantes pour le numéro 10 des Bleus entre Karim Benzema et son ami Karim Zenati, également mis en examen dans l’affaire.
Mais c’est surtout l’entretien accordé au Monde par Mathieu Valbuena qui semble avoir conduit Noël Le Graët à infléchir sa position. Le milieu de l’équipe de France et de l’Olympique lyonnais expliquait comment son partenaire l’avait « incité » indirectement à payer les maîtres chanteurs. Quelques heures plus tard, la Fédération décidait de se porter partie civile dans l’affaire.
Depuis, la pression politique et médiatique s’est accentuée sur les épaules du patron du football français. « Un sportif, ça vaut pour Karim Benzema, ça vaut pour d’autres, doit être exemplaire. Et s’il n’est pas exemplaire, il n’a pas sa place dans l’équipe de France », lâche le premier ministre, Manuel Valls, le 1er décembre. Plusieurs sondages suggèrent que les Français sont majoritairement contre un retour de l’attaquant du Real Madrid sous le maillot bleu.
Benzema a beau prendre la parole le 3 décembre sur TF1, la chaîne partenaire des Bleus, pour expliquer qu’il n’est « pas coupable » et qu’il souhaite « retourner en équipe de France pour gagner cet Euro » avec Mathieu Valbuena, il reste isolé. Même le sélectionneur des Bleus, Didier Deschamps, dont Benzema se prévalait du soutien, se rangera derrière le président de la FFF.
Seul Zinedine Zidane, aujourd’hui entraîneur de l’équipe réserve du Real Madrid, a manifesté publiquement son soutien à l’attaquant, qui « peut apporter beaucoup de choses à l’équipe de France ». Le meilleur buteur en activité des Bleus (27) évolue à son meilleur niveau avec le Real. Il a encore inscrit un triplé face à Malmö en Ligue des champions mardi 8 décembre.
Mais le patron de la Fédération s’est davantage appuyé sur la « charte éthique du football » que sur les statistiques du principal atout offensif des Bleus pour motiver sa décision de le suspendre.
Très attaché à l’image des Bleus et obsédé par les sponsors, Noël Le Graët n’avait pas hésité à suspendre Antoine Griezman près de quatorze mois, en novembre 2012, pour avoir fait le mur avec les Espoirs. Surtout, la procédure judiciaire interdit à Karim Benzema d’entrer en contact avec Mathieu Valbuena et pourrait polluer l’image des Bleus jusqu’à l’Euro 2016, dont le coup d’envoi sera donné au Stade de France le 10 juin.
Le Monde