Partie IV
J’ai passé les contrôles. Plus d’inquiétude, pas de kilos supplémentaires en termes de bagages. Me voilà fin prête à embarquer avec ma valise cabine et mon gros sac à dos. J’entre dans l’avion, et mon siège est situé parmi les dernières rangées. En général, il s’agit des pires places car proches des toilettes et donc sujettes aux gênes occasionnées par les aller-retours incessants. Qu’importe, je me trouve côté fenêtre ! J’aurai tout le loisir de faire des photos, oui je suis une passionnée de la photo, et de m’endormir contre le hublot sans craindre de gêner le passager à ma droite.
Mais voilà, avant d’atteindre mon siège, il me faut encore mettre ma petite (et non lourde) valise de 12 kilos, dans le compartiment supérieur. Aucun problème pour la soulever mais je ne suis pas si grande que ça. Et 12 kilos les bras levés sont loin d’être un jeu d’enfant, surtout lorsqu’un jeune homme est assis côté couloir.
Je le regarde avec une grosse envie de lui dire : « pas de panique, je vais y arriver et ne la laisserai pas tomber sur ta tête », mais je me retiens. Sur la pointe des pieds, j’y suis presque quand les deux bras d’une grande hôtesse de l’air viennent littéralement me prêter main forte. Je la remercie et prends place. Mes affaires sont installées, sac à dos sous le siège et, en prime, personne sur le siège du milieu !
Le jeune homme assis côté couloir est un grand blondinet à l’allure plutôt musclée. C’est loin d’être le genre d’homme qui m’attire physiquement. J’ai comme une envie de faire la conversation, de sortir de ma zone de confort, d’aller au-delà de ma timidité mais je n’en fais rien. Sa main gauche est dotée d’une alliance. J’ai bien trop de respect pour moi-même et pour mes consoeurs. Bien entendu, une simple conversation n’engendre pas nécessairement d’ambiguïté ou de séduction mais j’ai des principes plutôt strictes et carrés, je préfère m’y tenir.
Physiquement, le vol est un peu difficile compte tenu de la fragilité de ma santé. Je tente de m’endormir mais me réveille plusieurs fois. J’ai quelques difficultés à respirer en altitude mais, habituellement, je gère plutôt bien ma santé. J’ai appris à faire avec depuis la naissance. Je fais le nécessaire pour rester sereine dans ma tête en me disant qu’il reste moins d’une heure avant l’atterrissage. Inutile d’alarmer les hôtesses de l’air, j’aviserai en arrivant à bon port. Les minutes passent et nous traversons une zone de forte turbulence. Des signaux sonores retentissent à plusieurs reprises et tous les voyants sont allumés. Les consignes classiques sont à suivre : rabattre sa tablette, attacher sa ceinture et ne surtout pas s’amuser à aller aux toilettes, quelle que soit la taille de votre vessie ou la proximité de la pièce !
Ma respiration est un peu plus difficile. Je ferme les yeux puis décide de prendre le risque de m’abaisser pour récupérer la ventoline (marque déposée d’un bronchodilatateur) qui se trouve dans la poche avant de mon sac. Entre deux perturbations, tout se passe bien. Je ne me suis pas cogné la tête et je n’ai occasionné de dégât pour personne d’autre. Je me sens observée par mon voisin mais qu’importe ! Je ferme les yeux à nouveau, mes doigts se resserrent sur la petite pompe que je tiens au creux de ma paume et la porte à bouche. Je me souviens du conseil du médecin : une grande expiration pour vider les poumons, placer ses lèvres autour de l’embout, une petite pression du bout du pouce afin de délivrer le produit et une grande inspiration par la bouche. C’est toujours lorsqu’il s’agit d’inspirer par la bouche que je perds une partie du produit. J’ai tellement l’habitude de respirer par le nez que lorsqu’il nécessaire d’inspirer par la bouche, il me faut presque réfléchir au mouvement. Je me sens bête sur le coup, je réfléchis toujours trop pour rien, ce qui me rappelle mes moniteurs de conduite. Ils me répétaient sans cesse que je réfléchissais trop, que la conduite n’était qu’une histoire de mécanique et que « même les plus bêtes » parvenaient à obtenir leur permis.
Bref, ventoline dans les bronches, je tente de fermer les yeux une énième fois. Avec un peu de chance, je parviendrai à rattraper quelques minutes de sommeil d’ici l’atterissage. C’est, en effet, ce qui se produit jusqu’au moment où je suis réveillée par l’annonce de la commandante de bord. Et oui, pour la première fois, j’ai pris un vol dirigé par une femme. D’une certaine manière j’en suis fière, presque comme s’il s’agissait de ma propre réussite ! Nous voilà arrivés sains et saufs à destination et elle nous recommande, bien évidemment, de ne pas oublier nos effets personnels dans l’avion. Je me mets, à nouveau, à cogiter. Je décide d’attendre que les autres passagers descendent, notamment, mon voisin afin de récupérer la « petite » valise sans gêner (mais surtout sans assommer) qui que ce soit !