Provocation, réaction, victimisation : le tiercé gagnant de Charlie Hebdo
Lincendie des locaux de lhebdomadaire satyrique Charlie Hebdo, suite à la publication dun numéro spécial intitulé Charia Hebdo, titre au goût aussi douteux que ses auteurs, a relancé une fois de plus la question de la liberté dexpression, un concept devenu larme favorite de tous les idéologues libertaires en croisade contre les religions.
Curieusement, les adeptes de ce type de posture ne semble, de liberté, nen accorder aucune à leurs contradicteurs. En somme, pas de réciprocité en la matière, et certains dentre eux vont jusquà considérer quil ny a « pas de liberté, pour les ennemis de la liberté. » Au moment où ces lignes sont écrites, lidentité du ou des auteurs de lacte délictieux na pas été identifiée.
Cela na pas empêché certains commentateurs dincriminer quasi automatiquement un ou plusieurs musulmans extrémistes comme auteurs du forfait. Si cette option est une probabilité, elle nest pas la seule. De nombreux groupuscule politiques avaient tout intérêt à ce type daction, dont le modus operandi à lui seul lemploi dune bouteille de vin devrait susciter plus de prudence. Or il semble quen la circonstance, la présomption de culpabilité lemporte toujours sur linnocence car finalement, dans toute cette sombre affaire, la vérité nest pas importante.
Ce qui compte, ce quil faut protéger et réaffirmer urbi et orbi est la liberté dexpression que daffreux criminels ont tenté dimmoler sur lautel de la haine ! Charlie Hebdo, parangon et héros de la vertu libérale ? Lidée est aussi humoristique que le journal, et aussi peu crédible. Le libertarisme nest pas le libéralisme, et Charlie Hebdo se moque pas mal de la liberté dexpression lorsquelle népouse pas ses propres convictions idéologiques.
Par contre, il faut saluer lhabileté marchande avec laquelle lhebdomadaire a su se constituer un capital juteux sur un créneau très porteur, devenu rapidement un fond de commerce : la figure de lépouvantail islamiste, menace pour la liberté de lOccident. La recette est rôdée et très simple : une dose de provocation grossière dont lobjectif est de susciter une réaction pavlovienne, elle-même aussi grossière et violente que possible, qui permettra à la dramaturgie carliste de camper son rôle de composition.
Dans la veine des discours performatifs, Charlie Hebdo a su créer et donner une existence médiatique à sa cible, bien plus quelle ne la caricaturé. La suite est connue : un défilé de condamnations, une valse de déclarations politiciennes et un bal des hypocrites très réussi. Baissée de rideau. Le vrai débat de fond naura pas eu lieu : quest-ce que la liberté dexpression ?