Exil fiscal de Depardieu : "Permettez aux
syndicalistes que nous sommes d’exprimer
notre rage" "L’Humanité"
Vous qui volez au secours de Gérard Depardieu, dans quel pays et quel monde  vivez-vous ?
Depardieu décide de s’exiler pour des raisons fiscales en Belgique, un premier ministre juge cette attitude minable, et le débat s’emballe…
Par Patrick Brody, Gérard Billon, Raymond Vacheron, Jean-Claude Branchereau, Jean-Claude Mamet, syndicalistes CGT.
C’est quelquefois autour de faits divers qu’émergent des débats politiques de fond qui traversent la société. Marie-Antoinette souleva le peuple français, en lançant son méprisant :
« Qu’on leur donne de la brioche. » Plus récemment, c’est un pauvre vendeur à la sauvette,
brutalisé par la police de Ben Ali qui déclencha la révolution tunisienne. Ce qui est posé à travers l’affaire Depardieu, acteur de talent et populaire, c’est le comportement indécent des très riches, alors que l’accroissement des inégalités atteint un point jamais vu depuis 1945.
En effet, l’écart entre les très, très riches et l’appauvrissement des classes populaires se creuse
de plus en plus. La peur du lendemain taraude ces mêmes classes. De ce point de vue,permettez aux syndicalistes que nous sommes, nous qui luttons au quotidien pour la justice sociale, de nous immiscer dans ce débat pour dire notre écœurement, notre rage à ceux qui viennent au secours de Gérard Depardieu. Florilège non exhaustif. Charles Berling nous assène : « Il fait ce qu’il veut de son argent.» (Ah bon, quelqu’un l’en a empêché ?) « Le
procès qu’on lui fait, c’est du maccarthysme», enfin, « Catherine Deneuve, qui est une grande dame, a eu le mot parfait ».
Diantre, qu’a-t-elle pu nous dire ? Toute tremblante, Catherine s’interroge : « Qu’auriez-vous fait en 1789 ? » Notons que les mêmes propos sont repris par le lunetier Afflelou le lendemain. Nous sommes héritiers des sans-culottes Madame, et nous ne regrettons pas l’Ancien Régime où les paysans étaient tyrannisés par l’impôt.
Quant à Stéphane Guillon, il nous balance comme un banal Jean-François Copé : « Le ****** de riche est dangereux. » On
pourrait continuer car les soutiens à la figure emblématique du cinéma français sont nombreux.
Mais bon sang, dans quel pays vivez-vous ? Dans quel monde êtes-vous ? Êtes-vous coupés à ce point des réalités du quotidien de la population pour ne pas vous apercevoir
que vos propos sont outrageants, blessants, révoltants au regard de ce que vivent des millions
de concitoyens qui sont aussi parfois votre public ?
En deux mots, leurs conditions d’existence sont celles-ci :
8 millions de pauvres, salariés ou pas, à moins de 854euros ! 3 millions de salariés au Smic (1 121euros net) ! 5 millions de chômeurs, développement à outrance de la précarité du salariat, etc. Face à cette situation sociale que subit dans l’angoisse, la désespérance, une grande partie de la population : 0,01% des Français soumis à la taxe (75%) sur les hauts revenus ! Celle-ci étant provisoire pour deux ans, et pour des revenus d’activité supérieurs à 1
million d’euros, soit 1 500 Français. À votre corps défendant, vous vous êtes faits, et nous touchons là au problème de fond, les hérauts d’un poujadisme anti-impôts qui étranglent les riches, en oubliant au passage que Roosevelt a instauré aux États-Unis un taux marginal d’imposition allant jusqu’à 90%, et ce, pendant vingt-cinq ans !