sa peut bien dire aussi leur pratique et sa tomber dans un bon sens non ?
La contradiction formelle de la sourate al-Mâidah (la table, 5)
En fait, la clef du problème avait déjà été avancée par Antoine Moussali il y a déjà dix ans, dans un article très novateur[1] où il pointait le mécanisme introduisant des contradictions dans la signification du mot nasârâ dans le Coran, en particulier dans la sourate 5 où on lit dune part :
Ô les croyants ! Ne prenez pas pour amis (waly, allié) les juifs et les nasârâ : ils ont amis les uns des autres (5:51)
et dautre part : Tu trouveras que les amis les plus proches des croyants sont ceux qui disent : Nous sommes nasârâ (5:82).
La contradiction est telle quen ce dernier verset, nasârâ est rendu par Nazaréens par beaucoup de traducteurs. De plus, le verset 51 est absurde : comment peut-on prétendre que les juifs et les chrétiens sont amis ou alliés les uns des autres ? Les commentateurs musulmans veulent sen tirer en disant que tous ceux qui contribuent au mal sont alliés entre eux. Le sont-ils sils sont des ennemis les uns des autres, comme cest généralement le cas ? Le problème paraît donc se situer en ce verset 5:51 où le terme nasârâ qui est mis en parallèle avec yahûd (juifs) ne peut signifier que chrétiens. De fait, une difficulté technique doit attirer lattention. La psalmodie du passage laisse apparaître une rupture de rythme et un déséquilibre qui disparaissent si lon omet et les nasârâ (wa n-nasârâ). Le texte équilibré est alors le suivant :
Ô les croyants ! Ne prenez pas pour amis les juifs : ils sont amis les uns des autres (5:51).
Le verset devient clair, sensé et cohérent. Et la contradiction avec le verset 82 disparaît. La convergence de ces trois facteurs ne laisse guère de place au doute : on est devant une interpolation. Mais pourquoi avoir ainsi inséré wa n-nasârâ ? Certains pourraient même objecter : peut-il exister une raison grave au point quon ait pris le risque dintroduire une contradiction formelle majeure dans le texte à quelques versets de distance ? Il y en a une.
Cependant, avant daborder cette raison, il faut remarquer à la suite dAntoine Moussali que les expressions coraniques du genre : et /ou [les] nasârâ sont toutes des interpolations (perceptibles à laudition) : sourates 2:111 (ou n.) ; 2,113 (avec la suite : et les n. disent : les juifs ne tiennent sur rien) ; 2:120 (et les n.) ; 2:135 (ou n.) ; 2,140 (ou n.) ; 5,18 (et les n.). Au verset 2:135, lintroduction de ou nasârâ après soyez juifs apparaît tout spécialement absurde ; elle amène à lire que les fils dAbraham recommandent dêtre juifs ou chrétiens. Sans lajout, le verset redevient sensé :
Ils (les fils dAbraham, cf. 2:133) ont dit : Soyez juifs, vous serez sur la bonne voie. Dis : Non, [suivez] la religion (milla) dAbraham, en hanîf soumis (2:135).
Ce verset prend même un sens très riche, qui est à mettre en relation avec un autre qui lui est proche, 3:67 et qui doit être débarrassé lui aussi de son ajout (et pas un nasrânî), ce qui donne alors :
Abraham ne fut pas un juif mais au contraire il fut un hanîf soumis (3:67).
Ces deux versets veulent dire quAbraham nétait pas juif puisquil est lui-même le père des juifs, et que ceux-ci, tout en se prévalant de ce quils sont, nont pas été fidèles à la religion de ce père soumis à Dieu (muslim). Une telle idée est présente dans les évangiles (par exemple en Mt 3:9 parall. Lc 3:8) ; mais ici sajoute une dose dironie car Abraham est donné en modèle du hanîf. Il faut comprendre le cadre de ces polémiques anti-judaïques que lon trouve un peu partout dans le Coran, un cadre qui est évidemment antérieur au texte coranique. Dans les Talmud-s, le terme hanef désigne un hérétique et équivaut à mîn [2]. En présentant Abraham comme un hérétique soumis, expliquait Jacqueline Genot (décédée en 2004), ces deux versets coraniques retournent contre le judaïsme la condamnation de ceux quil considère comme hérétiques et en particulier de ceux que la tradition patristique connaît sous le nom de nazaréens : si nous sommes des hérétiques, disent-ils, alors Abraham létait avant nous : les hérétiques infidèles, cest vous !
Nous touchons ici un problème majeur de lislamologie contemporaine : que peut-on comprendre des polémiques juives du Coran sans connaître lhistoire du judaïsme et des autres courants juifs ? Les liens qui apparaissent entre ces deux mondes ne sont pas des hypothèses. Ce qui se vérifie sans cesse et que rien de cohérent ou de fondé ne vient jamais contredire ni expliquer autrement nappartient pas au rayon des hypothèses mais des faits avérés.
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http://www.lemessieetsonprophete.com/annexes/Ahl-al-Kitab_'gens-du-livre'.htm)